jeudi 31 mai 2012

SOS Racisme, Mrap, Licra et autres : plus un sou !


« (…) Alors qu’il existe déjà des dispositifs fiscaux permettant à un particulier de faire des dons aux associations de son choix, en partie déductibles, nous affirmons que l’existence de financements publics pour des organisations liberticides est un détournement de fonds publics.

« Nous exigeons donc une loi interdisant l
es subventions publiques à des associations idéologiques, communautaires ou religieuses !
Ces organisations qui cherchent à restreindre nos libertés nous nuisent depuis trop longtemps ! Qu’elles se passent de notre argent !

« Stop au financement d’organisations liberticides et nuisibles avec nos impôts ! (…) »

La pétition est à lire et éventuellement à signer ici.

mercredi 30 mai 2012

Le printemps clair l'avril léger


Comme je n'ai rien d'autre à faire pour le moment, je me suis dit que je pourrais toujours aller livrer le journal à mes abonnés…

mardi 29 mai 2012

L'humour macabre du fou chantant


Un jour d'avril 1990, Marlène Dietrich, 89 ans, reçut à son domicile de l'avenue Montaigne le télégramme suivant : « Greta Garbo est morte. Sincères félicitations. Signé : Charles Trenet. »

Elle eut, nous dit-on, le goût de s'en amuser.

lundi 28 mai 2012

On rejoue le congrès de Valence (mais en farce)


Et voilà, c'est parti ! Les blogueurs de gauche ont senti l'odeur du sang frais et ils frétillent dans leur mare comme jamais. Celui-ci (et une douzaine d'autres) applaudit bruyamment à l'éviction d'Éric Zemmour de RTL ; celui-là (et une douzaine d'autres) demande, exige qu'on n'en reste surtout pas là et qu'on poursuivre rapidement dans cette excellente voie qui vient de s'ouvrir ; l'inénarrable Gauche de Combat agite ses petits bras, tout là-haut, dans son mirador virtuel, et réclame des têtes, à commencer par celle de Mme Lagarde ; etc. Et même chez ce bon et d'ordinaire placide Nicolas, vous frôlez dangereusement la peine de mort – ou au moins le goudron et les plumes, voire la tonsure en place publique – si seulement vous vous avisez de dauber sur les ridicules de Mme Taubira, dont je sens par ailleurs, vu son départ en fanfare, qu'elle va nous faire presque autant de profit qu'une Éva Joly. On ne réclame pas encore que les blogs non péhessolâtres roulent dans le panier de son, mais on sent que ça en démange déjà pas mal, de ces petits oustitis qui, tout impatients qu'ils sont de de rétablir une démocratie saine, normale, citoyenne et joyeuse, laissent se craqueler leurs masques de vertu et voir ce qui se cachait dessous tant bien que mal.  Ils se sont voulus Jean Moulin pendant cinq ans, ils aspirent maintenant à Fouquier-Tinville, si cher au cœur de leur mélenchonesque rabatteur. Certains se partagent même déjà la chemise et le jabot de dentelle de ceux dont la tête est encore sur les épaules : c'est Robespierrette et le pot au lait.

Cela dit, on ne peut leur en vouloir de cette véhémence qui sent sa précipitation : même incultes comme les a faits l'école de la République, ils devinent confusément que Vendémiaire n'est jamais bien loin de Thermidor. Surtout lorsque les maîtres du calendrier sont à Berlin.

dimanche 27 mai 2012

Dans l'abyme camusien – histoire de vertiges

 Ce petit brin de laine, là, qui dépasse à peine d'entre les coussins du canapé, vous le tirez entre deux ongles sans même y penser vraiment. Lorsque, bientôt, vous vous retrouvez avec toute la pelote dans le giron, c'est pour constater que quatre ou cinq autres sont accrochées après celle-ci, et que vous ne pouvez pas faire autrement que de poursuivre l'extraction. À quelque temps de là c'est toute la mercerie qui “vient avec” ; et, derrière, il y a encore, bêlant comme des perdus, les vingt ou trente moutons dont la toison a servi de matière première ; votre modeste demeure ressemble alors au grand salon de Moulinsart après installation d'Abdallah et de sa suite bédouine, cependant que d'inquiétantes agitations continuent de se produire dans les profondeurs du canapé : c'est cela, lire Renaud Camus.

Mon brin à moi, ce fut Travers Coda : 90 pages, pas une de plus ; pourquoi me serais-je méfié ? Je sais bien que, comme certains alcools, l'églogue peut être salement piégeuse, mais enfin ce n'est pas un petit verre qui allait me tuer, si ? Surtout innocemment maquillé en pelote de laine.

Mais le producteur, rusé, après vous avoir plus ou moins mis les papilles en érection, vous rappelle, l'air de n'y pas toucher, que la visite des caves reste possible, que la maison est ouverte à toute heure, et même que, pour vous, parce que vous êtes déjà venu, ce sera gratuit. Lorsque vous posez le pied sur la première marche de l'escalier taillé à même le roc, vous savez déjà que vous ne remonterez pas à l'air libre (à l'air livre ? À l'ère livre ?) avant d'avoir parcouru les mille six cents pages du Journal de Travers. Vous rassure la certitude qu'à l'issue de cette plongée vous pourrez reprendre une existence normale. Tu parles, Charles…

Au ressortir de ce dédale, vous êtes – c'est misère à dire – fin bourré, en raison des émanations vertigineuses s'échappant des tonnes de vieux chêne alignées sous les voûtes. Dès lors, même plus besoin d'excuses ni de raisons pour pousser les feux de l'ivresse : ce Journal de Travers, il faudrait bien se rappeler comment il est remonté à la surface, après trente ans d'existence souterraine, non ? Si, si, perfectly right ! Du reste, c'est facile : paru en 2007, il doit être abondamment question de lui dans le journal de 2006 ; relisons les six cents pages de L'Isolation et on pourra ensuite passer à autre chose, l'esprit serein et la gueule de bois légère.

Ah mais oui, mais non : le projet, le lecteur titubant s'en aperçoit vite, était lancé dès 2005. Qu'à cela ne tienne, L'Isolation achevée, il suffira de faire glisser avec quelques chapitres du Royaume de Sobrarbe, la belle affaire ! Sauf que, syndrome des pelotes attachées, l'affaire en question, pas plus qu'elle n'y commence, ne se clôt en 2006, et va donc imposer quelques coups de sonde dans le journal de 2007 – Une chance pour le temps, celui dont pourtant on ne dispose pas entièrement. Ensuite, tout de même, on pourra dormir un peu…

Au réveil, la gueule de bois prend des allures de grand chalet, mi-scandinave, mi-savoyard, avec poutres pleines et apparentes ; et les cloches de cette putain de chapelle qui n'arrêtent pas de tocsiner ! Une seule issue, en dehors du suicide ou du cabanon : soigner le mal par le mal. Et comme – malgré les brumes intra-cérébrales, l'arpenteur d'abîmes s'en souvient – il fut aussi beaucoup question de l'Amour l'Automne, entre les pages de ces divers journaux, il n'est que de reprendre deux ou trois églogues cul sec et il n'y paraîtra plus. La première gorgée arrache un peu, forcément ; mais après ça gouleye à souhait. Au point que, si on se laissait un peu aller…

samedi 26 mai 2012

Nom de personne : le prénom

« Est-ce que le nom a disparu, dans les classes ? J'en ai bien peur. J'appartiens à la dernière génération du nom. Or, pas de responsabilité, donc pas d'autorité, possibles sans le nom. »

(Entrée du lundi 13 février, p. 78.)

Eh bien non, je proteste vigoureusement : la dernière génération du nom, s'il en est une, ce ne peut être que la mienne ! Car je me souviens fort bien que, jusqu'à la fin de mes études secondaires, au milieu des années soixante-dix, aucun professeur n'aurait appelé un élève par son prénom, ni même songé à accoler celui-ci au nom : le prénom, dans les lycées de cette époque, n'avait absolument aucune existence, ne pouvait sans doute même pas s'imaginer à quel point il allait devenir hégémonique, et en si peu de temps. Pour nos professeurs, nous étions Goux – pour les garçons – ou Mlle Goux, rien de moins, rien de plus.

Du reste, et cela va peut-être sembler peu croyable aux plus jeunes, il en allait exactement de même entre élèves : le nom était la norme, et le prénom ne se substituait à lui qu'à partir du moment où d'éventuels liens d'amitié, en tout cas extra-scolaires, venaient à se tisser. Toutefois, cela ne valait que pour les garçons ; les filles entre elles se donnaient du Béatrice ou du Marie-Hélène longs comme le bras ; et nous-mêmes les appelions par leurs seuls prénoms.  La frontière était donc bien réelle entre les sexes : aux garçons le nom, aux filles le prénom. Et si, finalement, celui-ci a totalement évincé celui-là, aussi bien hors l'école qu'en elle, ce ne doit pas être tout à fait sans lien avec le “devenir-femelle” de la société tout entière.


Ajout de Quatre heures – Camus reprend un peu plus loin (page 116) le même thème ; et c'est, en quelque sorte, pour confirmer ce que je disais :

« Jusqu'à ce que j'aie vingt-cinq ou trente ans [ce qui correspond à la période que j'évoque plus haut, ndmm], le prénom n'avait d'existence qu'au sein de la famille (où tout le monde portant le même nom, il fallait bien distinguer). En dehors de ce cadre -là, et surtout entre les hommes, le prénom était à peu près inconnu. On appelait et on désignait les camarades de classe par leur nom, les camarades de régiment aussi je suppose, les collègues, les confrères, les compagnons de voyage, de sport, de faculté, de travail. Je me suis parfois essayé à proroger ces rites, mais c'est impossible : les intéressés sont furieux, on passe pour un fou. »

mercredi 23 mai 2012

C'est la tête à Didier !

Je suis à droite (!) sur la photographie. À gauche, mon oncle Patrick, plus jeune frère de ma mère, de trois ans mon aîné, et donc camarade de jeux de mon enfance. Nous sommes sur le trottoir du boulevard Fabert, Sedan, Ardennes, à l'époque où nulle voiture n'y passait (années soixante), parce que le pont sur la Meuse, au bout, n'avait pas encore été reconstruit : cette impasse nous fut un territoire d'enfance irremplaçable. À gauche de Patrick, le mur du parc de la Chambre de commerce, dont mon grand-père (son père à lui) était le concierge et l'homme à tout faire – vraiment tout. (La future pétasse du milieu, je ne sais pas qui c'est et on s'en tape un peu. En tout cas, ce n'est pas une chambre-de-comercienne de souche, sûr et certain.)

Bien  que très et précocement intelligent, je fus un petit garçon attardé sur le strict plan de l'orthophonie : à quatre ans, un certain nombre de consonnes se montraient encore rétives et ricanaient bêtement à l'instant de sortir de ma bouche. Un jour – c'était à Châlons-sur-Marne, ma ville natale que des modernœuds malfaisants ont depuis pompeusement rebaptisée Châlons-en-Champagne –, alors que nous arrivions de chez ma nourrice (comme je crois bien que l'on ne dit plus), ma très jeune mère et moi, à notre petit appartement de la rue Saint-Éloi (je ne sais plus le numéro, désolé), elle sur la selle du vélo et moi dans le petit siège juste derrière, j'annonce fièrement :

« C'est la tête à Didier ! »

Incompréhension de mes parents (pourtant adultes, hein, on l'aura compris). Leur réaction est en gros la suivante :

« Quoi ta tête, qu'est-ce qu'elle a ta tête ? »

Moi (un peu plus véhémentement) : « C'est la tête à Didier ! »

On examine attentivement le crâne de l'héritier, alors unique, on ne trouve rien de particulièrement alarmant, et même rien du tout. Pourtant l'héritier s'obstine, d'une voix sans doute plus forte et vaguement outrée : « Mais c'est la tête à Didier ! »

On doit probablement finir par me signifier qu'on ne comprend rien à ce que je dis, et qu'il serait bon que je fermasse ma gueule de dauphin putatif : ça se faisait, en ces temps. Et, en effet, je m'écrase. Une demi-heure plus tard, ma mère :

« Tiens, on est le 23 mai, c'est la fête à Didier… »

Et moi : « Aaah, oui : c'est la tête à Didier ! »

Ma grand-mère paternelle (qui était là ce jour) me l'a resservie pendant  plus de trente ans, celle-là. Et chaque 23 mai elle me manque un peu – ma grand-mère et l'histoire.

Billet à foutre à la poubelle


Quand on n'a envie ni idée de nouveau billet, il y a deux solutions : soit on ferme sa gueule – mais ce serait céder à la facilité –, soit on cite les bons auteurs. Voici donc :

« J'ai fait venir un petit livre dont le sujet m'intéressait, 99 mots et expressions à foutre à la poubelle, de Jean-Loup Chiflet. Comme son titre l'indique, c'est un répertoire ou plutôt une anthologie des termes et des tournures particulièrement insupportables de la parlure contemporaine. On y retrouve quelques grands classiques modernes, bonne continuation et que du bonheur, au jour d'aujourd'hui et j'ai envie de dire, les bisous et le signal fort, impacter et quelque part, avec quelques prévenus que je n'aurais pas songé à interpeller (et pour cause…) comme spécificité ou connoter. Même la toute récente (mais fulgurante) démocratisation inattendue d'opus est enregistrée.

« On se demande toujours si les gens qui emploient ces mots et expressions scies sont sérieux ou bien s'ils plaisantent, n'ont aucune oreille ou “font du second degré” (expression qui pourrait être dans le livre). Comment en 2011 peut-on sans rire employer quelque part au sens de d'une certaine façon, objet d'universelle moquerie depuis bientôt trente ans ? Qu'on le puisse semble impossible à croire. Et pourtant nous le voyons faire tous les jours. Nauséabond est devenu une plaisanterie comme, hélas, les heures les plus sombres de notre histoire, qui servent à tout et à n'importe quoi. Pourtant un Sylvain Bourmeau est parfaitement capable d'employer nauséabond au tout à fait premier degré. Hier, dans sa tribune matinale de France Culture, il était encore question d'un écrivain nauséabond. J'ai été un peu vexé, ce n'était même pas moi…

« Mais je me suis rattrapé ce matin, Le Nouvel Observateur me juge “xénophobe”. C'est dans un entrefilet sous la rubrique “en baisse”. Je ne vois pas bien comment je puis être “en baisse” aux yeux du Nouvel Observateur. C'est un défi à la géométrie. »

(Renaud Camus, Septembre absolu – Journal 2011, jeudi 15 décembre, Fayard.)

Moi aussi il me tenterait bien, le petit livre de M. Chiflet, il doit y avoir matière à pouffer. Mais mon budget culturel étant ce qu'il est devenu, je vais sans doute trouver plus prudent de m'abstenir. À moins que je ne révise à la baisse les sommes allouées initialement à l'apéritif hebdomadaire ; boire ou pouffer, il faudra désormais choisir.

lundi 21 mai 2012

Exécution capitale (régionale)


Cette fois-ci, finalement, la cathédrale manchote n'aura été vue que de loin, en passant. En revanche, cernés de près par un adversaire (mais pas ennemi, oh la la non !) déterminé à en découdre, le riesling de samedi et le muscat de dimanche ont accepté une reddition sans condition ; puis, nonobstant je ne sais quelles conventions de Genève pour bisounours abstèmes, ont immédiatement été passés par les armes.

samedi 19 mai 2012

Après Saverne, y a plus qu'à laisser glisser…


Nous bivouaquerons là, ou en tout cas pas très loin, durant tout le week-end – retour lundi, “en” journée. André, si tu nous lis, sache que nous sommes déjà sur la route, que nous filons vers Schiltigheim à la vitesse de la flèche qui manque à votre cathédrale, et qu'il faudrait bien songer à mettre quelques flacons alsaciens au frais, si tu veux éviter de graves conflits diplomatiques avec les populations haut-normandes en formation de combat…

vendredi 18 mai 2012

De la majuscule éliminatoire


La majuscule, encore appelée capitale, est d'un maniement relativement simple ; ou du moins l'était avant le complet naufrage de la pseudo Éducation dite nationale. Il est cependant quelques occurrences particulières où, aucune règle ne la justifiant, sinon l'usage, elle se trouve un peu difficile à cerner, à justifier. C'est notamment le cas de celle que nous appellerons la majuscule éliminatoire. Plutôt que d'essayer d'en bricoler une définition – chose difficile pour un esprit aussi brouillon que le nôtre –, nous nous contenterons de trois exemples qui, on l'espère, rendront clair le propos.

Si vous écrivez dans une phrase “le président”, il va de soi qu'il peut s'agir, selon le contexte, de celui d'une société de boulistes du Vivarais, d'une compagnie d'assurances nancéenne ou de la République française. En revanche, si vous choisissez “le Président”, il ne peut s'agir que de celui des États-Unis d'Amérique, lequel élimine alors tous les autres.

Il en va presque de même avec le général. Sans majuscule initiale, vous voilà contraint de préciser : le général Machin ou encore le général de tel corps d'armée (s'il a quatre étoiles) voire de division (s'il en est resté à trois). Mais si vous parlez du Général – en tout cas en France –, il ne peut s'agir que de Charles de Gaulle. (Et là, avec ce “de” d'avant Gaulle, revient par la bande l'irritante question de la majuscule initiale, mais par un autre biais, et ce n'est pas notre propos du jour.)

Enfin, si vous vous mettez en situation d'évoquer le narrateur, il va bien vous falloir dire de quelle histoire il est la voix, préciser ce qu'il est censé narrer. Alors que si vous évoquez le Narrateur, tout le monde comprendra qu'il s'agit de celui d'À la recherche du temps perdu. (Quand je dis “tout le monde”, j'oublie naturellement les légions de malheureux qui seraient passés par les griffes de la prétendue Éducation dite nationale.)

Il n'est pas exclu que tous les présidents, les généraux, les narrateurs de ce monde ne se regroupent en association lobbyiste afin de protester véhémentement contre ce scandale discriminatoire. On verra.

jeudi 17 mai 2012

Et refleurissent les roses de septembre



Je suis très heureux de constater que ce journal 2011 de Renaud Camus (Septembre absolu), dans lequel je suis immergé depuis hier soir, est nettement plus riche que celui qui l'a précédé (Parti pris), lequel amorçait déjà une remontée par rapport aux deux ou trois volumes antérieurs, ainsi que je crois bien l'avoir noté alors. M'y intéresse, entre autres, le fait qu'on y voit ressurgir plusieurs des personnages qui peuplent les pages du Journal de Travers, journal qu'un heureux hasard me fait relire en même temps que celui-là. On les a connus vivants et agissants, on les retrouve en quelque sorte biographés, trente-cinq ans après, à l'occasion des recherches faites sur eux par l'auteur, occupé à dresser l'index (si je puis dire) qui va venir occuper la majeure (toujours si je puis dire) partie du sixième volume de ses églogues : Travers, Coda, Index & Divers. Et ce rétro-éclairage sur eux les complète, les incorpore au temps – ou le temps à eux –, les nimbes d'une sorte de voile mélancolique qui n'ose pas tout à fait se dire nostalgie.

Journal plus riche, donc ? Au cours des 280 pages déjà lues, indubitablement. La vie, l'allant, l'appétit, l'enthousiasme qui paraissaient refluer en des volumes comme L'Isolation, Une chance pour le temps, etc., font ici résurgence, comme le journal 2010 le laissait déjà présager. Les thèmes habituels sont bien sûr toujours là, mais revivifiés et, du même coup, approfondis au lieu d'être ressassés. Mais je compte y revenir lorsque ma lecture et le volume seront achevés

Il reste que si le diariste pouvait cesser de m'imputer toute la responsabilité des attaques en piqué dont il est la cible de la part de Juan A., il me ferait bien plaisir…


mercredi 16 mai 2012

Tours et détours en Camusie intérieure


Mon retour de flamme camusien de ces derniers jours produit ses effets redoutés, quoique bien connus (ou redoutés parce que bien connus). Ayant lu Travers Coda comme il était naturel, puisque le livre venait de paraître et d'arriver, j'ai voulu retourner aux sources : me voilà donc de nouveau aux prises avec les 1600 pages du Journal de ce même Travers. Lequel a pour effet d'aviver encore mon appétit églogal et me faire lire Échange, que j'avais abandonné lors de ma première tentative d'abordage, probablement en 2007. Comme une partie du “décor” de ce roman est fourni par Chamalières, voilà que me prend, par glissement onomastique, l'envie de relire l'élégie consacrée à cette ville natale de l'auteur – et, à sa suite, deux des autres élégies : Le Bord des larmes et Le Lac de Caresse, toutes deux assez sombres de tonalité, notamment la seconde. Ce Lac aux eaux bien noires parle explicitement d'un violent chagrin d'amour ; et, déjà, 20 ans avant Loin, d'un désir d'effacement, de disparition, d'auto-annulation de l'être. Ce petit livre (ainsi que l'autre élégie) a été écrit à l'automne de 1990. Évidemment, la tentation était grande d'aller voir, dans le journal de ce millésime, de quoi il avait été question in real life. J'ai donc, hier, repris L'Esprit des terrasses. Or, le lisant, il m'apparaissait à chaque page davantage que le journal de ces années-là était autrement plus dense, plus introspectif, plus journal, en fait, que les derniers volumes parus. Il faudrait donc aussi vérifier cette impression qui, si elle s'avérait, serait assez fâcheuse, à la fois pour l'écrivain et pour ses lecteurs. Et, justement, cela tombe bien puisqu'on doit, cet après-midi même, en principe, nous livrer Septembre absolu, c'est-à-dire le journal 2011 : on va donc pouvoir comparer…

  Ayant écrit ce qui précède, on se relit, bien entendu. Et le scrupule point : est-ce le journal de “ces années-là” qui, par comparaison hâtive, donne des volumes plus récents cette impression de fléchissement, ce sentiment de s'être embarqué à bord d'un cargo splendide, certes, mais qui désormais court sur son erre, et dont le personnel est à la fois moins nombreux et plus négligent ? Ou serait-ce juste celui de 1990 qui, pour des raisons précises et circonscrites dans le temps, présenterait une exceptionnelle densité et cette particulière acuité du regard introspectif ? Un seul moyen de le savoir, bien sûr : s'aventurer ensuite un peu au-delà et en deçà de lui, revenir Fendre l'air (1989) et ne pas craindre de s'engager dans La Guerre de Transylvanie (1991) – lesquels tomes vont à leur tour, ne nous faisons aucune illusion à ce sujet, nous aiguiller vers d'autres livres, ceux qui s'écrivent au moment même et les autres qui paraissent aux devantures.

Et c'est…

À peine ébauchée la phrase qui se voulait chute, on avise la camionnette blanche qui vient de s'arrêter devant le portail. Et dont le conducteur, physiquement très “le genre de”, pour autant qu'on puisse en juger avec sa propre myopie d'hétéro, vous tend très aimablement le carton Amazon contenant Septembre absolu, c'est-à-dire le journal de 2011. Si bien que… si bien que… L'Esprit des terrasses se renfrogne d'un coup sous l'ombre portée de ce nuage annoncé, comprenant bien qu'il va rejoindre illico Virginia Woolf dans la file d'attente – mais il est pire compagnie –, ne se faisant aucune illusion sur la versatilité infantile du lecteur de ces lieux, pour qui le dernier venu a toujours plus d'attraits que les vieux habitués de la maison.

Il n'a pas tort.

mardi 15 mai 2012

Islam, mon bel islam, je chérirai ton doux visage…


Mona Eltahawy est une journaliste égyptienne qui, à la suite d'un stupide malentendu (je me refuse à croire qu'il puisse s'agir d'autre chose : l'islamophobie ne passera pas par moi !), a préféré quitter son pays pour les États-Unis, cet immense camp de décervelage crypto-fasciste. De là-bas, elle écrit ceci :

« (…) Quand plus de 90% des femmes mariées en Egypte —y compris ma mère et cinq de ses six sœurs— ont subi une mutilation génitale au nom de la décence, alors sûrement, il est nécessaire que tous, nous blasphémions. Quand les femmes égyptiennes sont soumises à d’humiliants «tests de virginité» uniquement parce qu’elle ont osé prendre la parole, il n’est pas temps de se taire. Quand un article du code pénal dit que si une femme a été battue par son mari «avec de bonnes intentions» aucuns dommages-intérêts exemplaires ne peuvent être demandés, alors au diable le politiquement correct. Et dites-moi, s’il vous plaît, ce que sont de «bonnes intentions»? Légalement, elles sont censées comprendre toute raclée qui ne soit «pas violente» ou «dirigée vers le visage».

« Ce que tout cela signifie, c’est que quand on en vient au statut de la femme dans le monde arabe, la situation n’est pas meilleure que ce que vous pensiez. En fait elle est mille fois pire. Même après ces «révolutions», on considère que tout va à peu près pour le mieux dans le meilleur des mondes tant que les femmes restent voilées, prisonnières de leur foyer, qu’on leur refuse la simple mobilité de monter dans leurs propres voitures, qu’elles sont obligées de demander aux hommes la permission de voyager et qu’elles sont incapables de se marier, ou de divorcer, sans la bénédiction d’un mâle responsable d’elles. 

« Aucun pays arabe ne figure parmi les 100 premiers du Rapport mondial sur l'inégalité entre les sexes du Forum économique mondial, ce qui place toute la région dans son ensemble parmi les bons derniers de la planète. Pauvres ou riches, nous détestons tous nos femmes. (…) »


lundi 14 mai 2012

Cloclo, c'est maintenant ! (billet psychiatrique)


Jusqu'où peut aller la démence modernœuse ? Jusqu'à nous expliquer qu'il faut soutenir François Hollande parce qu'il ressemble à Claude François : comme le peroxydé à voix de canard malade, le président est gentil, ouvert à l'autre et très respectueux de ses “fans”. (Que l'on puisse supposer la moindre once de respect pour qui que ce soit chez le tripoteur d'ampoules électriques, au passage, suffit à me secouer d'un bon gros rire matinal : on n'a jamais inventé, je crois, d'humanoïde plus désagréable et méprisant avec à peu près tout le monde…) Vous ne me croyez pas ?

Eh bien, lisez donc ça.

vendredi 11 mai 2012

La lecture des journaux, remède à la bêtise électorale


Rien de tel, pour se remettre d'une campagne électorale que de se replonger dans la lecture des journaux ; pas ceux que l'on vend au kiosque, ceux des écrivains. Suite à la lecture de Travers Coda, dernier volume des églogues de Renaud Camus, j'ai repris son Journal de Travers, dont j'alterne la lecture avec celui de Virginia Woolf. Il serait sûrement intéressant de tenter de dégager les points de contact, les espaces de résonance entre ces deux journaux, et pas seulement parce que Virginia Woolf et ses différents romans sont très présents dans le Journal de Travers (ainsi que dans Travers, bien entendu), notamment lors des glissements onomastiques que l'auteur a introduits après coup dans ce journal d'une année complète (du 20 mars 1976 au 19 mars 1977). On croise beaucoup de gens chez l'un comme chez l'autre, on se perd un peu dans les noms et les prénoms, on effectue au cœur des villes des parcours presque immuables et sans cesse répétés qui, de ce fait, prennent à la longue des allures un peu initiatiques ; et il y a aussi en commun cette même course haletante derrière le fugace, le presque rien, en particulier lorsqu'il s'agit de rendre compte d'une conversation à plusieurs voix, d'en retrouver les cheminements, les incises, les “causes à effets”, etc. Avec, au bout du compte, chez les deux diaristes, la même frustration de n'y point parvenir, ou en tout cas fort imparfaitement. Ils partagent encore la course contre le temps qui galope, elle aussi perdue d'avance, cette noyade progressive mais irrémédiable dans l'enchevêtrement des faits qui surviennent alors que l'on est occupé à noter ceux qui ont été vécus la veille, ou même de se plaindre, sur le papier, que l'on n'a pas eu le temps, la veille, d'écrire ce qui s'était produit deux jours plus tôt, et ainsi de suite.

Mais, évidemment, on s'encule beaucoup moins chez Virginia que chez Renaud.

jeudi 10 mai 2012

Hollande ne pourra pas donner du travail à tous ceux qui n'en veulent pas


Et nous parlions, un apéritif en appelant un autre, des retours de bâton hallal qui attendaient le président. On se disait que se faire élire en partie par ce genre d'agiteurs de drapeaux exotiques impliquait soit un renvoi (blurp !) d'ascenseur immédiat, soit de sérieux problèmes dans les semaines et les mois à venir : ces Français-à-part-entière ne semblent pas déterminés à la patience. Mais il est vrai qu'ils ont diablement souffert durant les cinq ans de fascisme larvé (larvé ? LARVÉ ???) qu'ils viennent de subir. Bref, il est question qu'ils touchent rapidement les dividendes de leur vote – et je suis d'accord avec eux, de ce point de vue : la France ne les intéresse pas ? Pas plus que l'Algérie, la Turquie, le Maroc, etc. ne me font bouger une oreille ni une couille, et, donc, s'ils ont pris la peine de faire élire un type qui a promis de leur offrir ce pays sur une sorte de plateau (je sais que j'en rajoute un peu, je sais, mais pas plus qu'un peu…), il s'agirait que les choses bougent – le changement c'est maintenant (double geste avec les petits bras).

Et c'était le sujet de notre discussion, à la Nauséabonde irremplaçable et à moi-même. Comment va-t-il faire, ce président, qui a choisi comme patron de campagne Manuel Valls, dont, il n'y a pas si longtemps, les blogosphéreux de gauche nous expliquaient qu'il était en réalité de droite ? 

(En réalité est une expression typiquement de gauche :  elle sert à dire que la réalité que vous voyez n'est pas la réalité. Par exemple, si vous pensez bêtement que les communistes avalisent cent millions de morts et l'éclipse totale de l'Europe au XXème siècle, c'est que, en réalité, vous n'avez rien compris au communisme et que, en réalité, vous êtes un sympathisant pro-nazi.)

Reprenons. Je rappelais à Catherine que Manuel Valls était, pour les “vrais” socialistes (fonctionnaires, “profs” (c'est-à-dire “simplets” si l'on se réfère à Blanche-Neige), ou chômeurs de longue durée), une saloperie de droite dont on se demandait comment le PS pouvait le garder en son sein. Je peux vous retrouver les références chez nos amis progressistes, si vous voulez.

Mais voilà que ce Valls est devenu directeur de campagne (avec le succès que l'on sait), que l'on parle de lui comme Premier ministre possible (il ne le sera pas : trop marqué à droite), et qui pourrait fort bien être nommé ministre de l'Intérieur pour rassurer la police.

Je m'égare. Nous parlions, Catherine et moi, de ces gentils Français-comme-vous-et-moi déployant leurs drapeaux de joie, de bonheur et de diversité multi-mes-choses, et nous nous disions que ce pauvre président, à la première explosion prévisible, allait avoir bien du mal à calmer les enthousiasmes violents de vitalité de ces nouveaux citoyens, sauf bien sûr, s'il consentait – et il y consentira – à lâcher quelques centaines de millions d'euros supplémentaires où douze plans Marshall ont déjà été engloutis en pure perte. À  ce moment, Catherine me fit cette remarque, violemment synthétique :

Hollande ne pourra pas donner du travail à tous ceux qui n'en veulent pas.

En effet. La phrase était tellement superbe que nous nous sommes tus, impressionnés par notre propre lucidité. Et je crois bien qu'on a repris un verre.

mercredi 9 mai 2012

Dis Maman, c'est quand qu'on revote ?


Comment faire pour éviter que le droit de vote ne soit accordé aux étrangers ? Il faut s'arranger pour que la gauche ne dispose pas des 3/5 des deux chambres. De telle sorte que François Hollande n'ait plus que le référendum pour recours, ce qui devrait le faire hésiter, et sans doute renoncer.

Pour parvenir à ce que la gauche n'ait qu'une courte majorité à l'Assemblée nationale, il est impératif d'éviter les triangulaires de second tour, meurtrières pour la droite “présentable”. Par conséquent, si le vote Marine Le Pen avait un sens lors de la présidentielle, il me semble nécessaire, cette fois, de ne pas voter pour les candidats du Front national et d'accorder sa voix à ceux de l'UMP, quels qu'ils soient, dès le premier tour. Mais je suis tout prêt à examiner les raisons de ceux qui seront d'un avis différent…

mardi 8 mai 2012

Son nom de Denise dans Levallois désert


Si vous n'êtes jamais venus traîner vos guêtres dans la partie “moderne” de Levallois un jour férié, vous ne pouvez avoir qu'une idée approximative de ce à quoi ressemblerait un monde post-apocalyptique. Néanmoins, il y a une heure, pour me désengluer un peu des dix mille signes que je devais consacrer à la gloire de notre nouveau président de la République, descendant accomplir une pause café/cigarette, j'ai vu un être humain. Un homme assez âgé, mais pas un vieillard. Un grand sac en plastique dans une main, il passait d'une poubelle municipale à l'autre afin d'en extraire les choses qui, ai-je supposé, pouvait lui être utiles ou présenter un quelconque attrait lucratif. Dans cette optique, j'étais un peu étonné de le voir sélectionner principalement des canettes métalliques et des bouteilles ayant contenu de l'eau minérale.

Mais le plus étrange est que, ce faisant, passant d'un réceptacle à l'autre, il n'hésitait pas à effectuer des détours afin de ramasser sur le trottoir les détritus que de précédents gougnafiers y avaient jetés, pour les mettre à la poubelle – poubelles que, donc, presque d'un même mouvement, il vidait et remplissait tout à la fois. Ce qui a fait naître en moi un sentiment difficilement analysable, mais qui ne s'est pas encore tout à fait effacé.

On notera également qu'aucune Denise n'intervient dans cette histoire, contrairement à ce que mon titre semblait induire.

lundi 7 mai 2012

Prolégomènes au quinquennat qui menace


Il nous restait trois mois à vivre “sous” Chirac lorsque j'ai ouvert mon protoblog, prélude à celui-ci. J'ai, du même coup, découvert ce qu'il est courant d'appeler la blogosphère, et ce n'est sans doute pas ce que j'ai fait de mieux dans ma vie ; enfin…

Dès l'accession de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, j'ai donc, tout comme vous, vu fleurir à son endroit, chez certains de nos amis de gauche, pas tous, les qualificatifs les plus bas – dont, assez paradoxalement, “nabot” n'était peut-être même pas celui qui l'était le plus. J'en ai conçu pour ceux qui lançaient ce genre de postillons puérils un assez solide mépris : l'insulte n'atteignait évidemment pas celui qui en était objet, mais disait tout ce qu'il y avait à savoir sur la crapulerie morale de ses auteurs.

Tout cela pour en arriver à ceci, mes bien chers frères : François Hollande est désormais, et pour cinq ans en principe, président de la République. J'estime donc que les Flamby, chicon et autres endives bataves (la liste n'est pas exhaustive…) ne sont plus de saison, en tout cas sur ce blog : je serais quelque peu attristé de nous voir nous comporter comme le premier progressiste gesticulant venu. Par conséquent et désormais, je supprimerai systématiquement tout commentaire dont l'auteur s'obstinera dans cette voie. 

Cela posé, rassurez-vous : je crois que les cinq années qui s'ouvrent nous offriront tout de même moult occasions de rire – de longs ricanements sous la lune et au milieu des ruines.

Questions du matin, chagrin…


Faut-il pleurer faut-il en rire ?
Fait-il envie ou bien pitié ?
Je n'ai pas le cœur à le dire…

dimanche 6 mai 2012

Jegoun, troll maléfique, sors de cet isoloir !

Il était environ midi et quart lorsque Catherine et moi, dûment bardés de nos cartes d'électeurs et d'identité, investîmes la mairie du Plessis-Hébert, fortement déterminés à y accomplir notre devoir de citoyens. Nous tendons les dites cartes à qui de droit, prenons chacun une enveloppe, puis, sur la petite table située en léger retrait à droite (léger retrait à droite : sinistre présage…), prélevons un bulletin au sommet de chacune des deux piles – et nous nous séparons, fort émus par la solennité de l'instant.

Je pénètre dans l'une des deux cabines et tire le rideau de douche derrière moi. C'est alors, à l'instant suprêmement intense du choix, que je constate être en possession de deux bulletins “Hollande”. Mon premier réflexe est de penser qu'un bulletin batave s'est glissé par mégarde dans la pile néo-pétainiste, et que je suis justement tombé sur lui. Mais aussitôt après, je comprends que la véritable explication de ce tour est beaucoup moins simple et rassurante : c'est lui ! Lui, Jegoun, dont l'esprit maléfique a changé le gentil bulletin fascistoïde en cette ignoble endive surnuméraire !

(Car, oui, les gens de gauche réussissent parfois à se doter d'un esprit, même s'il ne peut fonctionner que de manière intermittente, à l'image des loupiotes de couleur dans un sapin de Noël, ainsi que vient de le prouver une étude effectuée par les équipes du professeur Kremlinbeer, à l'Institut des sciences progressisto-cognitives de l'université du Michigan.)

Mon indolence naturelle étant ce qu'elle est, j'ai bien failli glisser tout de même l'un de mes jumeaux diaboliques dans l'enveloppe. Et puis non : imaginer le ricanement satisfait du gros frisé trollesque derrière son écran a suffi à me rendre courage, et je suis ressorti de l'isoloir, la sueur aux paumes et aux tempes, afin de procéder à l'échange de bulletins, me demandant à quelle diablerie j'allais encore être soumis. Pour me donner du courage, je murmurais l'impeccable mantra révélé par l'Arabe fou Abdul Alhazred dans son Necronomicon :

Le changement, il ne passera pas par moi… Le changement, il ne passera pas par moi… le changement, il ne…

Nous sommes finalement rentrés sains et saufs.

Dyane par les chemins qui bifurquent

« Un de mes souvenirs, non pas les plus anciens, mais les plus insistants, et les plus clairs malgré son caractère nocturne, est celui d'une symphonie de Mahler, ou plus exactement de son lied final, entendu à la radio de bord de la petite Dyane décapotée malgré le froid (problème technique ou affectation lyrique, je ne sais) qui me ramenait de là vers Landogne, par une nuit de pleine lune, sous les étoiles et la voûte des branches, le long de la plus haute Dordogne – ou bien n'est-elle encore que la Dore, à ce stade, ou la Dogne ? »

(J.-R.-G. du Parc & Denise Camus, Travers Coda, Index & Divers, éditions P.O.L, p. 95.)

Et le lecteur, tout prosaïquement, se demande s'il est réellement possible d'entendre une symphonie de Mahler à l'intérieur de cette voiture approximative qu'était la Dyane – laquelle produisait à peu près le même brinquebalant barouf qu'une 2 CV de haute époque –, qui plus est décapotée. De même s'autorise-t-il quelque doute quant à la qualité de restitution sonore que pouvait offrir la radio de bord. Mais ses questions sont rapidement balayées, par leur insignifiance même, et il retourne se perdre dans la forêt églogale, avec ces signaux lumineux qui ne renvoient qu'à d'autres signaux – et parfois à eux-mêmes –, ses chemins qui bifurquent, ses sentes en trompe-l'œil et ses échos qui ne l'attirent que pour mieux l'égarer encore. Un énorme et touffu taillis de mémoire, avec, en son centre, l'absence, qui brille par elle-même.

samedi 5 mai 2012

Menus propos pour veillée d'urnes


Désolé de vous avoir dérangés inutilement : je n'ai strictement rien à vous dire ; c'est simplement que je ne me sentais pas d'attaque ni d'humeur à supporter que me saute à la face la photographie illustrant mon précédent billet, à chaque fois que j'ouvrirais ce blog. Il m'a semblé qu'un peu du calme et de la permanence des prés salés nous ferait à tous le plus plus grand bien, en ces périodes de fracas minuscules. De plus, cette photo de Catherine, nous l'avons fait agrandir, son auteur l'a encadrée, et elle trône désormais sur l'un de nos murs, juste en face de mon fauteuil : l'excuse pour la remettre ici est certes assez mince, mais elle existe.

N'existe que très peu, en revanche, ce à quoi nous n'allons pas pouvoir nous empêcher de penser presque sans arrêt jusqu'à demain soir, malgré que nous en ayons peut-être ; c'est comme ce pavé inégal dans la cour de l'hôtel de Guermantes sur lequel le pied ne peut faire autrement que de revenir achopper. En ce sens, quelles que soient sa couleur et ses nuances, lundi sera de toute façon une délivrance : c'est la bonne nouvelle de ce jour.

Quoi d'autre, mon Dieu ? Ça vous plairait, que je nous excite un peu notre cher Léon, pour réveiller ce samedi de veillée d'urnes ? Allez, d'accord, une bricole, pour faire plaisir : hier, la factrice a déposé dans la boîte un roman d'Alphonse de Châteaubriant, La Brière, dans l'édition Grasset originale de 1923 (5,50 € : la maison est néo-pétainiste mais parcimonieuse). Il est impossible ou presque, dans le cas des écrivains tombés du mauvais côté de l'histoire, de trouver leurs livres dans une édition contemporaine : nul ne se risquerait à une telle provocation. Bien sûr, lorsqu'il s'agit de Céline, ou à la rigueur de Drieu, il est difficile de faire autrement ; mais tous ceux qui se trouvaient sur le rayon du dessous ont passé à la trappe. C'est normal, ce sont de méchants écrivains – pas méchants dans le sens de mauvais : méchants dans le sens de méchants. Cela étant, il est également possible qu'on ne réédite pas Châteaubriant, ou Bonnard, ou d'autres encore, simplement parce que leurs livres ne méritent pas de l'être : on essaiera d'en juger une fois lu. Voilà bien, pour le moment, tout ce que je puis dire sur ce vénérable collabo homonymique : Léon, c'est à toi, mon grand…

De toute façon, il est temps de m'interrompre : Catherine m'attend pour un petit voyage à la déchetterie, et il faut que j'aille remplir la voiture des scories de notre existence journalière.

Le chargement, c'est maintenant…

jeudi 3 mai 2012

Il dit : Flamby ! C'était flambé.


Comme prévu, la blogosphère de gauche se pâme devant ce qu'il y a eu de plus ridicule dans la prestation de Hollande hier soir (le “Moi, président de la République”, qui aurait fait rougir de honte n'importe quelle première année de conservatoire d'art dramatique provincial). Cela dit, ils ont raison de se réjouir, puisque leur candidat a passé, à mon sens, l'épreuve – si c'est bien une épreuve significative – haut la main. La preuve : toutes les hyènes centristes se rallient, de Douste à Bayrou, en passant par d'autres, d'encore plus d'inimportance. Bref, sauf miracle, Hollande sera le prochain président de la République. Quand je dis “sauf miracle”, ce n'est pas que je considère que la réélection de Sarkozy en serait un, de miracle. Le miracle serait simplement que Hollande soit battu alors que tout le monde, et mes chers confrères folliculaires en tête, veut absolument le voir déjà vainqueur avant même qu'élection soit faite.

Cela étant, voir Sarkozy battu ne me fera aucune peine. Notamment pour s'être livré, en début de mandat à cette mascarade grotesque de “l'ouverture” (Kouchner, pitoyable ; Besson, à vomir ; etc.) et à ces nominations “showbiz” (Rama Yade, Fadela Machin, Rachida Dati), faites au détriment de vraies personnalités de la droite qui, aujourd'hui, et on les comprend, ne se bousculent pas pour soutenir leur candidat naturel. L'atmosphère “fin de règne” est aussi perceptible – peut-être même plus – qu'à l'époque de Giscard (du Giscard de 1981), on sent bien que tout ce petit monde a déjà le nez dans les cartons et la tête aux reclassements. 

J'irai tout de même voter pour Nicolas Sarkozy – mais comme les cuirassiers ont chargé à Reichshoffen : pour le panache (et pas trop de limonade, dans le mien, je vous prie).

Heureusement, à partir du 7 mai, on va pouvoir commencer à rire un peu : je vous donne rendez-vous, dès ce premier matin du changement, dans les bas-fonds carnavalesques de la gauchosphère.

Solution de continuité

Finalement, Suzanne avait raison, pour ce qui me concerne. Après m'être plus ou moins promis de n'en rien faire, j'ai tout de même suivi le débat des deux zozos, et jusqu'à son terme encore. Peu de temps avant, en commentaire, je disais à Nicolas que tout le monde ressortait toujours satisfait de cette expérience, puisque persuadé que son champion avait été le meilleur et avait nettement pris l'avantage. C'est peut-être dû au fait que mon soutien à Nicolas Sarkozy est des plus discrets et mon penchant pour lui fort ténu, mais j'ai trouvé que, s'il devait absolument y avoir un gagnant de cette étape, ce serait plutôt à François Hollande que j'attribuerais le maillot jaune (mais sans aller jusqu'à lui remettre un bouquet de fleurs ni à lui coller un poutou sur chaque joue).


J'ai cueilli ce brin de bruyère
L'automne est morte souviens-t'en
Nous ne nous verrons plus sur terre
Odeur du temps Brin de bruyère
Et souviens-toi que je t'attends


Là-dessus, m'étant allé coucher et me trouvant pris, comme il arrive parfois, d'une sorte de début d'insomnie, voici que vient me visiter le premier vers de ce court poème d'Apollinaire qui s'appelle L'Adieu. Naturellement, comme tout crétin insomniaque le ferait à ma place, je ne puis résister à l'envie de vérifier si je suis encore capable de me le réciter sans trébucher (le risque n'était pas grand : j'étais allongé). Et, bien entendu, la catastrophe se produit : il me manque un vers (celui que j'ai souligné) ! Encore, s'il avait fait totalement défaut, me serais-je sans doute fait une raison. Mais, là, il rôdait dans les parages ; je le sentais, pouvais presque le toucher ; c'était le mot “temps” qui venait me narguer durant une fraction de seconde ; ou “bruyère” – mais pas moyen de les remettre dans l'ordre et de les faire se tenir tranquilles.

Je ne l'ai pas retrouvé, cet octo de mes deux ; j'ai tout de même fini par m'endormir, mais frustré. Le seul avantage de cette mémoire à trous est que j'avais complètement oublié le débat qui venait de me tenir plus de deux heures devant l'écran, dans le petit salon.

mercredi 2 mai 2012

Vivons-nous un temps dramatique ?


« Quand nous parlons d'un temps dramatique, ce mot a un sens précis : il veut dire que nous sommes pris dans une alternative qui ne nous permet plus d'exister médiocrement ; il nous faut vivre plus puissamment, ou bien disparaître, nous surpasser ou nous abolir. (…) La tragédie essentielle n'est pas de savoir quels dangers nous menacent, mais de définir d'abord ce qu'ils menacent en nous, car il importerait assez peu que nous fussions détruits, si nous avions rendu cette destruction légitime en ne valant presque rien. »

(Abel Bonnard, Les Modérés, Grasset, 1936.)

Je sais bien ce qu'on va dire : que je ne cite un collaborateur notoire que dans l'espoir taquin de réveiller Léon de son sommeil de Juste. On n'aura qu'à moitié tort mais, partant, qu'à moitié raison aussi. Il me semble que Bonnard pose là un diagnostic qui vaut exactement pour nous, Européens et, avant tout, Français. Ou alors, c'est moi qui paranoye

Pour terminer sur une note plus joyeuse et délicatement nauséabonde, rappelons que, en la double vertu de ses mœurs et de ses sympathies pro-allemandes, Galtier-Boissière avait surnommé Abel Bonnard la gestapette

mardi 1 mai 2012

¿ Por qué estaba triste, ese peòn de ferrocarril ?


Cet après-midi, plutôt que d'aller défiler derrière des syndicalistes ne représentant qu'eux-mêmes et leurs honteuses prérogatives, ou soutenir un président en voie d'éjectance, j'ai récouté le disque le plus connu du Cuarteto Cedron (un extrait ici, avec Paco Ibañez en prime). Eh bien il a beau avoir près de quarante ans et se montrer scandaleusement injurieux envers le régime de ce bon général Videla, il n'en reste pas moins un album splendide. À moins que ce ne soit le révolutionnaire en moi qui repointe le bout de sa faucille.


En plus, ma femme le trouvait beau…

J'aimais bien Éric Charden ; je ne dis pas ça uniquement parce que, hier matin, je l'ai enseveli sous sept mille signes nécrologiques. Du reste, en trente ans de maison, j'ai enterré un nombre presque incalculable de vedettes dont, à chaque fois, on dit qu'on ne les oubliera jamais – et l'encre est à peine sèche de mon article que vous ne savez même plus de qui on parle.

Mais j'aimais bien Éric Charden. D'abord parce que, forcément, je l'ai méprisé à l'époque de sa gloire, qui était aussi celle de mon adolescence raisonneuse et sotte. Du coup, le vieil homme d'aujourd'hui, qui a tendance à mépriser ce qu'il fut, regarde avec une certaine tendresse les totems qu'il s'était donnés comme punching balls.

Je ne renie rien de mes dégoûts de l'époque, n'allez pas croire : Claude François, Sheila et Ringo, Che Guevara, d'autres encore dont vous ne savez même plus les noms. Ceux-là, leurs posters aux murs des chambres de filles qui… Enfin bref.

J'ai compris assez tôt que Charden était différent. Qu'il avait “un truc”, qui justifiait qu'il tape tout de suite et chaque fois en haut des “charts”, comme on disait à l'époque. Par exemple, ce refrain :

Les Vaches rouges blanches et noires
Sur lesquelles tombent la pluie
Et le bon cidre doux made in Normandie

Ce “Made in Normandie”, c'est le génie d'Éric Charden, le gimmick qui fait que cette chanson marche. Il n'y a pas que ça. L'Avventura. Qui aurait pensé faire une chanson avec un mot italien ? Et, surtout, quel auteur de chanson aurait avoué tirer une chanson d'un film d'Antonioni ?

Ensuite, Le Prix des allumettes. Là, Éric Charden est presque équivalent à Claude Sautet, le Sautet de Vincent, François, Paul et les autres, c'est-à-dire qu'il montre un monde en train de naître.  On pense que j'exagère ? Non ! Cette chanson date d'environ 1975, moment où le chômage de masse pointe son nez, où l'inflation devient une sorte de règle.

Et qui (je me souviens, j'y étais), qui s'était aperçu, en 1975, que tout était en train d'augmenter, SAUF en effet le prix des allumettes ? Je vous assure : avant cette chanson, personne.

Et alors, en plus, il y avait Stone. On peut se moquer, bien sûr. Mais on aurait tort. Stone, quand j'étais adolescent, d'abord, c'était cette fille de 22 ou 23 ans, pas plus belle que des dizaines d'autres, sans doute, mais plus lumineuse. Ah, si, je vous assure : cette fille qui ne s'appelait évidemment pas Stone pour de vrai, dont tout le monde s'est moqué (et moi le premier : j'ai un peu honte), dont les gens de ma génération se foutaient parce qu'elle chantait faux…

En effet, elle chantait faux, c'est indubitable. Mais elle était heureuse de chanter. Ça se voyait, ça se sentait, et ça la rendait belle. 

Stone a sans doute été une partie du malheur d'Éric Charden, mais elle n'y est pour rien, évidemment. Ils ont eu trop de succès, gagné trop d'argent. Il n'y a pas moyen de se sortir de ce genre de piège. Avant hier, je ne sais pourquoi, je pensais à Joe Dassin. Lui aussi voulait être autre chose que ce qu'il a été, et n'a pas réussi. Et je me demandais si mon concept “en bâtiment” fonctionnait pour les musiciens. Il est possible que ces gens, Dassin, Charden, d'autres encore, soient morts de ça : de s'être rêvés musiciens et d'avoir fini dans le bâtiment. Bâtiment de standing, sans doute, avec balcon sur la mer, mais bâtiment tout de même.