vendredi 18 mai 2012

De la majuscule éliminatoire


La majuscule, encore appelée capitale, est d'un maniement relativement simple ; ou du moins l'était avant le complet naufrage de la pseudo Éducation dite nationale. Il est cependant quelques occurrences particulières où, aucune règle ne la justifiant, sinon l'usage, elle se trouve un peu difficile à cerner, à justifier. C'est notamment le cas de celle que nous appellerons la majuscule éliminatoire. Plutôt que d'essayer d'en bricoler une définition – chose difficile pour un esprit aussi brouillon que le nôtre –, nous nous contenterons de trois exemples qui, on l'espère, rendront clair le propos.

Si vous écrivez dans une phrase “le président”, il va de soi qu'il peut s'agir, selon le contexte, de celui d'une société de boulistes du Vivarais, d'une compagnie d'assurances nancéenne ou de la République française. En revanche, si vous choisissez “le Président”, il ne peut s'agir que de celui des États-Unis d'Amérique, lequel élimine alors tous les autres.

Il en va presque de même avec le général. Sans majuscule initiale, vous voilà contraint de préciser : le général Machin ou encore le général de tel corps d'armée (s'il a quatre étoiles) voire de division (s'il en est resté à trois). Mais si vous parlez du Général – en tout cas en France –, il ne peut s'agir que de Charles de Gaulle. (Et là, avec ce “de” d'avant Gaulle, revient par la bande l'irritante question de la majuscule initiale, mais par un autre biais, et ce n'est pas notre propos du jour.)

Enfin, si vous vous mettez en situation d'évoquer le narrateur, il va bien vous falloir dire de quelle histoire il est la voix, préciser ce qu'il est censé narrer. Alors que si vous évoquez le Narrateur, tout le monde comprendra qu'il s'agit de celui d'À la recherche du temps perdu. (Quand je dis “tout le monde”, j'oublie naturellement les légions de malheureux qui seraient passés par les griffes de la prétendue Éducation dite nationale.)

Il n'est pas exclu que tous les présidents, les généraux, les narrateurs de ce monde ne se regroupent en association lobbyiste afin de protester véhémentement contre ce scandale discriminatoire. On verra.

12 commentaires:

  1. Ah ! Mais attention ! Moi, je mets des majuscules préventives. Des Majuscules Préventives, même.

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    1. Oh mais tout le monde, de nos jours, pratique la majuscule préventive ! C'est même une maladie de l'époque.

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    2. C'est de la faute des gros Nègres qui boivent du vin rouge au comptoir.

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  2. Pour l'ami Woland, on dit l'Amiral ? Il est assez connu pour ça ? Parce qu'il y a déjà un Amiral à majuscule : Olivier de Kersauzon.

    Pour l'Irremplaçable, c'est plus fastoche : y en a qu'une... et je la salue au passage.

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    1. Ah mince, j'ai oublié l'Irremplaçable ! Conflit diplomatico-conjugal en vue…

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  3. De Gaulle ! Sans conteste. Il ne s'agit pas de la particule "nobiliaire" mais de la particule Flamande. Ou alors on m'a raconté des âneries !

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    1. On vous a dit des âneries : le “de” n'est pas lié forcément à une quelconque noblesse, et doit s'écrire sans majuscule, sauf s'il s'agit d'un nom d'origine néerlandaise : dans ce cas, le “De” est l'équivalent de notre “Le” et prend une majuscule.

      De toute façon, de Gaulle lui-même écrivant son nom ainsi, il n'y a aucune raison pour ne pas le suivre.

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  4. La majuscule bouscule la particule et l'encule.

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  5. C'est amusant, il me semble que c'est Maître Eolas qui fait un billet là-dessus (§3) :
    http://www.maitre-eolas.fr/post/2012/05/13/Jean-Marc-Ayrault-est-il-un-repris-de-justice

    Pour le reste, je dirai : bon vent, monsieur le Premier sinistre !

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  6. Je ne sais pas si vous avez lu les Hauteurs béantes de Zinoviev mais tous les personnages sont désignés selon ce procédé (en rhétorique, cette figure s'appelle une antonomase). Il y a le Bavard, le Penseur, le Collaborateur, l'Arriviste, le Sociologue, le Membre, le Schizophrène, le Prétendant, le Numéro Un, le Barbouilleur, le Déviationniste, le Calomniateur, le Père-la-Justice, etc.

    Il y en a même un dont le nom est Ducon. Ça me rappelle quelqu'un ici mais j'ai oublié son pseudonyme.

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    1. J'ai lu ! Et même deux fois. Avec encore plus de plaisir et de jubilation la seconde, d'ailleurs.

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  7. Bon, je ferme les commentaires jusqu'à lundi, pour cause d'absence : voir le nouveau billet…

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.