vendredi 29 juin 2012

Méfions-nous des marmottes en vert-de-gris


Le film est norvégien, ce que n'indique pas son titre : Dead snow. Chez nous, il est sorti directement en vidéo, on se demande bien pourquoi. Le pitch est d'un classicisme de bon aloi : un groupe de huit étudiants en médecine norvégiens – quatre garçons et quatre filles, comme le veut le genre – décide de passer quelques jours dans un chalet construit au milieu de nulle part, avec de la neige tout autour. Sur place, ils vont être pourchassés (oui, ils seront pourchassés sur place : ne commencez pas…) et massacrés par des zombis nazis, qui ont été victimes d'une malédiction et sont là à se faire chier depuis 1942. De plus, ils ont paumé leur butin – car les Allemands, et plus spécialement les Allemands nazis, ont presque toujours un butin, il faut le savoir.

Je ne vous dirai pas grand-chose de la malédiction en question, car j'ai pris l'œuvre un gros quart d'heure après son début. Quand je suis arrivé, c'était le soir (dans le film). Les jeunes citadins – dont personne ne songerait sérieusement une seconde qu'ils puissent faire des études de médecine, ni aucune autre d'ailleurs – étaient donc dans le chalet, en compagnie d'un vieux bonhomme qui leur racontait ce qui s'était passé en 42 et comment les villageois avaient poursuivi les nazis, perdu leur trace dans la montagne et jamais retrouvé les corps. Si bien qu'ils considéraient le coin comme maudit, ce qui est profondément logique : quand des types se paument dans la montagne par moins trente et qu'on ne retrouve pas leurs corps, la montagne devient automatiquement maudite. Un peu plus tard, on reverra le vieux bonhomme seul sous une petite tente (qu'est-ce qu'il fout là, tout seul, dans cette région maudite ? Mystère.), où il ne tardera pas à se faire éviscérer par un monstre qui restera hors champ (le réalisateur ne brûle pas toutes ses cartouches dans la première demi-heure).

Ensuite, on passe au lendemain matin. L'un des étudiants, le beau gosse, décide de partir à scooter des neiges à la recherche de Sara, qui aurait dû être là mais qu'est pas là. Je ne sais d'ailleurs pas pourquoi elle n'est pas là : on a dû le dire au moment où je suis allé pisser et ouvrir la porte au chat. Bref, il s'en va, et après c'est directement le soir ; les journées sont courtes, en Norvège profonde. Dans le chalet, les étudiants s'amusent bien. Le blagueur fait des blagues, les filles ricanent, la plus sage des trois (n'oubliez pas que Sara, la quatrième, n'est pas là) proteste vaguement quand le blagueur dit “bite” ou “caca”. Les autres lui disent qu'elle est hyper coincée.

Et, justement, le gros lard de la bande déclare qu'il doit aller faire caca. Il met son anorak fourré (il fait vachement froid, c'est la Norvège) et sort pour se rendre à la cabane au fond du jardin, où sont les chiottes. Il coule son bronze, suppose-t-on, puisqu'on le voit s'essuyer le fondement avec deux feuilles du rouleau qui se trouvait là. Là-dessus arrive Chris, qui malgré son prénom est une fille et même une blonde. Elle a envie de se taper le gros lard et elle l'enfourche. L'autre a l'air un peu surpris (nous itou) mais il laisse faire. Le comble de l'érotisme est atteint lorsque Chris s'empare de la main avec laquelle le gros vient de se torcher consciencieusement et lui lèche amoureusement les doigts. Je sais bien que des petits plaisirs de chacun on ne doit pas discuter, du moment qu'ils se déroulent entre adultes consentants, mais tout de même.

Lorsqu'il a virgulé son bonheur, le gros lard abandonne sa petite camarade – qui en profite pour se soulager à son tour – et revient au chalet en arborant une mine faraude. Là-dessus, il décide qu'il a soif et passe dans la pièce voisine se chercher une bière sous le plancher. (Oui, dans les chalets norvégiens, on range les bières sous le plancher.) Et là, il découvre quoi ? Le butin. Celui-ci consiste en une petite boîte en bois où une gamine de huit ans ne parviendrait même pas à loger sa paire de sandales de plage. Elle contient deux poignées de pièces d'or à tout péter. Même le président Hollande n'arriverait pas à embaucher une demi-douzaine de fonctionnaires supplémentaires avec ça. En fait, on comprendra trois quarts d'heure plus tard que c'est sûrement la boîte le vrai trésor car elle est magique : le dernier survivant la retrouvera parfaitement intacte au milieu des restes fumants et calcinés du chalet. En plus des V1 et des fours géants, les nazis avaient donc inventé le bois ignifugé pour leurs boîtes-à-butin.

Dans l'intervalle, Chris, la pisseuse de la cabane au fond du jardin, s'est fait à son tour éventrer par un zombi nazi, que l'on a cette fois aperçu entre les planches judicieusement disjointes – le réalisateur distille ses effets. Quant au beau gosse, après avoir crié “Sara ! Sara !” à tous les vents une bonne douzaine de fois, il s'est éloigné de son scooter de quelques pas, juste le temps de tomber dans une grotte qui était cachée sous la neige ; il se fait très mal au dos. Le temps qu'il récupère, on revient dans le chalet ; les zombis nazis donnent l'assaut, en passant leurs bras à travers les rondins des murs comme si c'était du papier japonais. C'est la panique chez les étudiants : les garçons coupent des mains avec ce qu'ils trouvent de plus aiguisé, les filles hurlent et se font attraper par les cheveux. Il y en a un ou deux qui meurent, démembrés, éviscérés, décapités, et toutes ces sortes de choses. Le gros lard notamment ne passe pas la nuit : il est alpagué par les verts-de-gris, qui le mettent en pièces et l'emportent. Le blagueur dit qu'ils auraient mieux fait de choisir une plage au soleil pour leurs vacances, mais personne ne rit. 

Comme le film dure depuis déjà trois quarts d'heure et qu'il n'en peut plus de la profonde connerie des étudiants, le spectateur avachi commence à trouver les zombis nazis plutôt sympathiques (ceux qui me veulent du bien diront que c'est en raison de leur zombisme, les autres insinueront que c'est plutôt leur côté nazi qui a provoqué ma coupable faiblesse à leur endroit). Au moment où on se dit que les zombis nazis ne peuvent que terminer rapidement l'affaire, tant leur supériorité féroce est évidente, ils abandonnent et rentrent chez eux – le réalisateur s'est aperçu qu'il avait encore quarante minutes de bobine à tourner ; et il fait jour.

Il reste donc quatre étudiants dans le chalet, deux garçons et deux filles – normal. D'un côté le raisonneur de la bande et un petit gars pas très bien caractérisé, de l'autre une blonde et la seule brune du groupe. Cette dernière est d'ailleurs l'unique élément vraiment horrifique du film, dans la mesure où elle ressemble étrangement à Cécile Duflot : même regard vide, même sourire de démente light ; ce n'est sûrement pas un hasard si elle se fait massacrer en dernier. 

Après une intense réflexion partagée, nos quatre survivants en arrivent à la puissante conclusion suivante : « Il faut qu'on fasse quelque chose. » C'est le raisonneur qui trouve l'idée : les filles vont partir en courant chercher du secours, pendant que l'indéfini et lui-même feront diversion. En effet, on voit Cécile Duflot et sa camarade partir en courant dans la neige. Puis, juste après, les deux garçons tapant sur des casseroles et traitant les zombis nazis de pédés dégonflés pour essayer d'attirer leur attention : c'est un grand moment. Plan de coupe sur les deux filles qui s'arrêtent de courir, très essoufflées. La blonde : « Tu sais où on est ? » Cécile : « Non… ». On se dit que les secours ne sont pas près d'arriver.

Entre temps le beau gosse a réussi à s'extraire de sa grotte (en grimaçant parce qu'il a mal). Mais, avant, il l'a un peu explorée. Il y a trouvé un drapeau nazi, une tête à demi momifiée posée dans un coin, et surtout des armes en parfait état de marche. Bref, il se retrouve à l'air libre et constate qu'il fait plutôt beau. Sauf que, là, plein de zombis nazis se mettent à sortir de la neige, comme des marmottes sentant le printemps. Le beau gosse décide que ça suffit les conneries et il se transforme en super Rambo, réduisant les zombis nazis en chair à saucisse comme s'il s'agissait de vulgaires vietcongs. On est toujours sans nouvelles de Sara, cela dit.

De leur côté,  le raisonneur et l'autre ont dû suivre la même évolution spirituelle que le beau gosse, car ils se mettent eux aussi à engager le combat avec les zombis nazis qui sortent de la neige, à coups de marteau, de pelle et surtout grâce à une tronçonneuse électrique qui se trouvait là à point nommé. Pendant ce temps, les filles se sont remises à courir. La blonde ne tarde pas à mourir, ses intestins entortillés autour du tronc d'un bouleau. C'est alors que Cécile a une idée de génie : pour que les zombis nazis ne la voient pas, elle grimpe dans un bouleau. Pas con, sauf que, là-haut, elle tombe nez à nez avec un nid de corbeau garni de trois œufs (les piafs norvégiens sont capables de pondre des œufs par moins trente, oui). Du coup, la corbote, pensant que Cécile envisage de bouloter sa progéniture en devenir, se met à faire un raffut de tous les diables ; et les zombis nazis lèvent la tête. Comme Cécile est vêtue d'une robe d'un rouge pétant, ils la repèrent facilement. Un peu pressé par le temps, le réalisateur ni le scénariste ne nous expliquent comment elle fait pour redescendre de son arbre et leur échapper. Toujours est-il qu'elle finit par rejoindre le raisonneur et l'autre (toujours occupés à massacrer du zombi nazi), mais c'est pour mourir juste à son arrivée, en crachant des litres de sang. Là-dessus déboule le beau gosse sur son scooter, auquel il a adjoint une mitrailleuse flambant neuve. Il massacre tous les zombis nazis, mais il en sort d'autres de la neige, toujours plus, c'est dingue. En outre, maintenant, il y a un standartenführer coiffé d'une casquette elle aussi flambant neuve (les nazis étaient très soigneux de leurs affaires), qui coordonne tout son petit monde et fait surgir des bataillons entiers de la neige. Si bien qu'à un moment, il ne reste plus que le raisonneur et cent cinquante zombis nazis bavant l'hémoglobine à qui mieux mieux.

C'est alors que le raisonneur a une idée (c'est son emploi) : il se précipite dans les décombres du chalet (auquel le blagueur, une demi-heure plus tôt, a foutu le feu par erreur), trouve la boîte-à-butin et la tend au standartenführer. Lequel a l'air tout content d'avoir récupéré son butin, mais avec son maquillage c'est difficile à savoir. Toujours est-il que le raisonneur, en courant vite, réussit à rejoindre les deux voitures dans lesquelles toute la bande est arrivée jusqu'ici, et qui sont garées à une petite centaine de mètres du chalet. J'ai oublié de dire que, depuis une dizaine de minutes, il lui manque la moitié du bras droit : il se l'est découpé lui-même avec la tronçonneuse – en grimaçant horrible tellement ça fait mal –, parce qu'il venait d'être mordu par un zombi nazi et qu'il ne voulait pas devenir un zombi nazi par contamination ; il connaît ses classiques. Quant au beau gosse, pas longtemps avant de mourir, il était parvenu à se recoudre lui-même la carotide avec un hameçon et du fil de pêcheur, sans même se regarder dans le rétroviseur de son scooter. 

Donc, le raisonneur grimpe dans l'une des deux bagnoles, celle dont il a la clé. Son premier travail consiste, malgré son bras en moins, à attacher sa ceinture de sécurité ; ce serait tout de même dommage de mourir bêtement dans une collision routière, c'est vrai. Au moment où il va mettre le contact, qu'est-ce qu'il découvre à ses pieds ? Une pièce d'or. Celle que, une heure plus tôt, il a piquée dans la boîte-à-butin. Il s'exclame “shit !” en norvégien, parce qu'il comprend que le standartenführer va être fürieux quand il constatera qu'il manque une pièce dans son butin. Effectivement, le voilà qui s'encadre dans la vitre de la portière, et la fait exploser d'un coup de poing.

Fin du film.

Et toujours aucune nouvelle de Sara.

jeudi 28 juin 2012

N'y va pas, Manuel ou : combien de temps tiendra-t-il ?


Combien de temps tiendra-t-il au poste où on l'a mis, avant que ne fassent rouler sa tête dans le son du panier les supplétifs mélenchouineurs, les officines de distribution gratuite de cartes plastifiées, les verts guignols – guignéoliens, guignéoliennes – défilant à l'écolo-lo derrière la ministre en jean,  les auréli-Filipettitionnaires de principe, les adventistes du christ sombre, les retraités du grand bond, les raclures de fond de castrisme, les bouffeurs de beauf, les ravis du ramadan, les compagnons du taste-hallal, les mères métissolâtres, les pères du désert, les frères musulmans et les petites sœurs des pauvres ? En un mot, qui sera la vérité de François Hollande : Manuel Valls ou Cécile Duflot ? Les bookmakers sont dans les starts…

Le changement est derrière nous


Le journal de mai également.

mercredi 27 juin 2012

La grande pitié des salauds de pauvres

(Billet écrit hier soir.)

Elle anime un jeu (en ce moment même, sur TF1), une sorte de sous-Qui veut gagner des… Il se trouve que, à mon corps défendant, je me suis encadré dans la porte ouverte du salon où se trouve l'écran de télévision. Cette énorme chose satisfaite d'elle-même, enveloppée dans une robe imprimée que même moi j'hésiterais à porter, était occupée à cuisiner un couple composé d'une ginette brune et d'un divers également brun – par la force des choses. Couple parfaitement assorti : comme dirait un ancien collègue à moi, pour leur faire pétiller le regard, il aurait fallu leur introduire une lampe-torche  par la bouche.

Bref : deux malheureux crétins, pris au piège de la télévision et de la grosse Laurence, qui fait son beurre sur leur dos. Quand je suis arrivé, les héros du soir en étaient à la question à deux cent mille euros – qu'ils n'auront jamais, bien entendu, tout le monde le comprend sauf eux, tout est prévu pour qu'ils repartent à poil, comme ils sont venus. 

D'abord, on leur donne le “choix” entre deux “thèmes” (pardon pour la prolifération de guillemets, mais la télévision induit ce genre de choses). Les thèmes sont : “.....” (j'ai oublié) et “Le cri”. Mamadou et Vanessa (j'invente les prénoms, mais ils ont, ces pauvres, des têtes à s'appeler comme ça) choisissent ce deuxième thème. Pour deux cent mille euros.  On les sent tendus. Et la question arrive. De ce style : est-ce que le nouveau-né de l'ornithorynque globurgue, est-ce que l'arrière-grand-mère de la souris commune couinasse, et… ET… est-ce que le corbeau COASSE ?

Là, déjà, on sent que la Bocco commence à saliver grave : elle est en train de faire économiser trois cent milliards d'euros à la chaîne qui l'emploie. Ensuite, arrive le moment pénible, celui où Mamadou et Vanessa font semblant de réfléchir, “font le show”. Parce que, évidemment, on leur a fait la leçon : même s'il ne savent rien (ce qui est le cas), ils doivent faire semblant de réfléchir, de s'interroger, de se consulter. Et ils le font. Ils essaient. Ils jouent très mal, mais tout le monde s'en fout. Mamadou ne  fait pas grand effort ; mais on voit à son regard, son sourire mécanique, qu'il aimerait mieux être ailleurs. Vanessa, courageusement, endosse le rôle que la Bocco surpayée, avec son sourire immonde, lui a intimé l'ordre d'endosser, parce que son boulot à elle en dépend.

Et elle le fait, cette pauvre Vanessa (que je commence à aimer, tant elle est peu aimable), avec toute la bonne volonté qui est la sienne, parce qu'on a promené devant son nez des euros, et des milliers d'euros, et même des millions d'euros, qu'elle ne touchera évidemment jamais, parce qu'elle est totalement ignorante et qu'on lui pose des questions auxquelles presque personne n'est capable de répondre (en tout cas, pas les gens qui s'inscrivent pour participer à des jeux télévisés).

Vanessa et Mamadou repartiront comme ils sont venus, sans un rond ; ou en tout cas avec très peu : les salauds de pauvres doivent rester des salauds de pauvres, au moins pour que la Bocco continue de se croire quelque chose ou quelqu'un. Pourquoi ? Parce que, sur quatre animaux, on leur a proposé la solution suivante : le corbeau coasse. Et naturellement (au moment où, triste et malheureux pour eux, je me suis cassé de devant l'écran où s'apprêtait la mise à mort), ignorant de tout, mais le cerveau vaguement imprégné de deux ou trois choses, ils se sont pris dans la glu du piège.

Bref : naturellement, les concepteurs de ce jeu de merde ont compris comment faire miroiter les deux cents milliards devant Mamadou et Vanessa, sans les leur faire gagner. Il suffit de leur faire confondre COASSER (grenouille) et CROASSER (corbeau), en mélangeant les deux verbes avec d'autres dont ils n'ont jamais entendu parler.

Le plus serre-le-cœur, c'est ce que j'ai vu : un pauvre petit couple se ridiculiser pour une somme d'argent qu'il va perdre.

Je ne sais comment tout cela s'est terminé, je suis parti. Déjà, quand j'étais enfant, je ne supportais pas les “caméras cachées” (à l'époque, ça s'appelait : “caméra invisible”) : voir des gens se ridiculiser sans le savoir, alors que moi je le savais, m'était insupportable, et me l'est encore. 

Avoir vu, tout à l'heure, la grosse Bocco étaler à la fois ses excessifs volumes et sa satisfaction d'être elle-même m'a déprimé durant quelques minutes. Je vais m'en remettre, je pense.

lundi 25 juin 2012

Pitchs du coq à l'âne


Puisqu'il était question de lectures dans mon précédent billet, continuons sur cette lancée mais dans un genre sensiblement différent. Il en est peu, de lectures, qui soient aussi rapidement consommées que celle des arguments de film (en français : des pitchs) tels qu'ils sont présentés par les magazines de télévision. Les malheureux jeunes gens sous-payés que l'on enchaîne à cette tâche ingrate ne sont nullement en cause : l'espace qui leur est alloué est si restreint, si confiné, qu'il leur est souvent impossible d'éviter les jubilatoires coq-à-l'âne et les raccourcis fulgurants qui font ensuite mes délices, ou au moins mon amusement. Ainsi, dans le Télé-Cable-Sat de la semaine prochaine, pour la journée du jeudi 5, je tombe sur ceci, à propos d'un film intitulé Super

« Un cuisinier est dévasté quand sa femme le quitte. Il décide alors de devenir un superhéros. »

Et, pour cette même journée, décidément fort fertile, à propos du film d'Érick Zonca, Julia :

« Une femme à la dérive n'arrive plus à cacher son alcoolisme. Elle enlève un enfant. »

On observera que si l'on réunit ces deux pitchs et qu'on les mélange vigoureusement,  le second  ne devient pas plus absurde : « Une femme à la dérive n'arrive plus à cacher son alcoolisme. Elle décide alors de devenir un superhéros. » Quant au premier, il y gagne nettement en cohérence : « Un cuisinier est dévasté quand sa femme le quitte. Il enlève un enfant. »

Ce qui est dommage, et même un peu triste, c'est que les films ainsi présentés sont rarement à la hauteur de leurs promesses.

samedi 23 juin 2012

Petit cycle de lectures imbitables

C'est la faute à Renaud Camus. Dieu sait s'il n'est pas dans mes habitudes de désigner, dénoncer, flétrir, stigmatiser, mais dans ce cas la culpabilité est indéniable : c'est bel et bien lui qui a attiré mon attention distraite sur des auteurs dont il ne me serait jamais, livré à moi-même, venu l'idée d'ouvrir les livres – enfin, pas maintenant, en tout cas. Je sais qu'il ne l'a pas fait exprès, qu'il ne s'adressait pas nommément à moi. Cela ne change rien : on est responsable de ses enthousiasmes et de leurs effets sur les esprits faibles. 

Voilà donc comment, et par qui, je me retrouve entraîné dans un nouveau cycle de lectures imbitables. Pour l'instant, il comprend : Paysage de ruines avec personnages de Danièle Sallenave, La Bataille de Pharsale de Claude Simon, Tu reviendras à Région de Juan Benet et, c'est bien le moins, Travers Coda, de Camus lui-même. Dans ce dernier cas, il va s'agir d'une relecture ; quant au roman de Sallenave, il a été terminé ce matin (pas par elle : par moi). Pour l'Espagnol, j'avais lu une centaine de pages de ce même livre il y a quatre ou cinq ans, sous l'amicale pression de Carlos, puis l'avais abandonné, pour une raison qui, aujourd'hui, m'échappe tout à fait. À la réflexion, on peut, dans ce cas, dégager la responsabilité de Camus, c'est vrai.

Une lecture imbitable n'est pas une lecture pénible – elle peut même être, elle l'est généralement, extrêmement excitante. Elle ne désigne pas non plus des livres auxquels on ne comprendrait rien, mais plutôt qui vous font savoir, avec une certaine ostentation et souvent un peu d'ironie, qu'ils renferment beaucoup plus de choses que vous n'en voyez. Les chemins qu'ils vous désignent sont trop raides pour vos muscles mal entraînés, les plongées sous la glace des lacs trop longues pour votre capacité pulmonaire. Par conséquent, vous rebroussez chemin à mi-pente, voire avant cela, vous contournez prudemment le plan d'eau, quitte à vous perdre définitivement. Mais le plus énervant est qu'on vous a tout de même indiqué le chemin et découvert le lac ; vous savez qu'ils sont là et que d'autres avant vous ont eu le cran de s'y risquer, peut-être même d'en venir à bout.

Les lectures imbitables sont aussi celles dont, livre refermé, vous ne pouvez absolument rien dire, alors même que, durant le temps qu'elles ont duré, il vous est venu des fourmillements de paroles, des aperçus fulgurants mais tôt évanouis, des désirs de pointer toutes les correspondances rencontrées, de les relier entre elles, de les cartographier pour tenter d'apprivoiser la forêt en contrée d'agrément, de transformer en routes carrossables ses traîtres fondrières. Peine perdue : cette manière d'univers parallèle dont vous vous êtes bien imprudemment approché vous a d'abord englouti, a manqué vous noyer, vous vous y êtes tordu une cheville ou deux, y avez transpiré comme un goret, vous avez trouvé la nourriture trop riche et les sources bien rares. Au terme, le pays vous a en quelque sorte expulsé pour défaut de lettres d'accréditation – ne parlons même pas de noblesse –, non sans avoir malignement brouillé tous les souvenirs que vous comptiez garder de lui : vous vous rêviez guide et géomètre, vous n'aurez été qu'un traîne-savate parasite, un intrus ravi mais pétochard.

Il reste que, durant les heures et les jours que vous avez passés à vous griffer les mollets aux ronces de ces maquis, à sursauter aux cris de bestioles inconnues, à laper l'eau croupie des mares faute de débusquer les sources vives, vous avez tout de même eu l'impression de découvrir des frustrations uniques et peut-être fécondes, en tout cas inconnues avant la traversée. Mais, ça, c'est ce que vous vous dites après coup – parce que le pauvre lecteur se console comme il peut.

vendredi 22 juin 2012

Le démocrate, ce despote de l'âme


L'honnêteté – ou peut-être une trouille irrationnelle d'être démasqué, allez savoir –, l'honnêteté, donc, si l'on s'en tient à elle, m'oblige à reconnaitre que je ne suis pas allé puiser le paragraphe qui suit à sa source (Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Bibliothèque de la Pléiade, II, pp. 293-294) : je l'ai trouvé enchâssé dans un autre texte, de Renaud Camus celui-là, qui s'intitule L'Homme remplaçable et que l'on peut trouver ici. Néanmoins, la parole est à Tocqueville :

« Sous le gouvernement absolu d’un seul, le despotisme, pour arriver à l’âme, frappait grossièrement le corps ; et l’âme, échappant à ses coups, s’élevait glorieuse au-dessus de lui ; mais dans les républiques démocratiques, ce n’est point ainsi que procède la tyrannie ; elle laisse le corps et va droit à l’âme. Le maître n’y dit plus : Vous penserez comme moi, ou vous mourrez ; il dit : Vous êtes libre de ne point penser ainsi que moi ; votre vie, vos biens, tout vous reste ; mais de ce jour vous êtes un étranger parmi nous. Vous garderez vos privilèges à la cité, mais ils vous deviendront inutiles ; car si vous briguez le choix de vos concitoyens, ils ne vous l’accorderont point, et si vous ne demandez que leur estime, ils feindront encore de vous la refuser. Vous resterez parmi les hommes, mais vous perdrez vos droits à l’humanité. Quand vous vous approcherez de vos semblables, ils vous fuiront comme un être impur ; et ceux qui croient à votre innocence, ceux-là même vous abandonneront, car on les fuirait à leur tour. Allez en paix, je vous laisse la vie, mais je vous la laisse pire que la mort. »

Donc, si l'on en croit Tocqueville, pour se défaire des chaînes de ce despotisme light qui est le nôtre de plus en plus, le meilleur moyen serait encore de repasser par  la dictature, qui rendrait plus claire la véritable nature de nos chaînes virtuelles : ça ne va pas être facile à vendre aux masses petites-bourgeoises, un truc pareil.

jeudi 21 juin 2012

Les mots de l'ennemi : ter repetita (au moins)


Dans son avant-dernier billet, Corto se demande d'une part s'il est ou non islamophobe, d'autre part s'il est encore loisible de l'être dans notre belle France socialo-modernœuse. Je ne me prononcerai pas sur le fond, et surtout pas à sa place. Mais je n'ai pu que lui redire en commentaire ce que je crois avoir déjà énoncé plusieurs fois : en tant que “mots de l'ennemi”, le vocable islamophobie ainsi que ses divers avatars sont à bannir absolument de notre vocabulaire (sauf si l'on est soi-même islamolâtre comme on nous enjoint çà et là de l'être, bien entendu). Plus généralement, on tiendra éloignés de sa propre langue tous les mots qui suffixent en “phobie”, en tant qu'ils induisent la peur – ou qu'ils connotent les chocottes, si l'on veut sourire un peu.

Or, qui a réellement peur de l'islam, de celui qui dit clairement et en son nom propre qu'il souhaiterait le voir, sinon disparaître (ne rêvons pas…), du moins sévèrement tenu en lisière, ou de cet autre qui court au-devant de ses moindres revendications, rengracie au plus petit froncement de sourcil et s'efforce de l'innocenter de tous actes de barbarie, y compris ceux hautement revendiqués par leurs auteurs eux-mêmes ? Nous n'avons pas peur de l'islam : nous le refusons ; il ne nous effraie pas : il nous indispose ; nous ne tremblons pas devant lui : nous souhaitons le renvoyer dans ses déserts et, pourquoi pas ?, ses oasis ; nous ne frémissons pas lorsqu'il élève la voix : nous lui demandons de parler moins fort, et même de se taire tout à fait.

C'est pourquoi nous ne sommes pas islamophobes, contrairement à ceux, les vertueux bruyants, qui nous accusent de l'être. Mais islamofuges, ça oui, tant que vous voudrez. Au sens ou l'assiette au beurre qui amusait tant nos arrière-grands-pères était puissamment centrifuge.

mercredi 20 juin 2012

L'Honneur bafoué de l'écrivain en bâtiment

Poursuivant nonchalamment ma lecture du Château de Seix (journal 1992), j'en arrive à ce paragraphe, daté du mercredi 10 juin (c'est moi qui souligne le second passage qui l'est) :

« Il arrive très souvent que la voix méritoire de l'exigence intellectuelle soit en même temps, très audiblement, celle de la bêtise. Il y a des idiots à tous les étages de la vie de la pensée, et des spécialistes de Lacan, de Chomsky ou de Parménide qui sont absolument bêtes comme chou. J'ai peine à croire que l'inverse soit tout à fait aussi vrai, mais il doit bien exister, dans le roman de gare, la chansonnette ou la peinture naïve, quelques esprits tout à fait vifs, à défaut qu'ils soient profonds… »

Je veux bien accorder mon entière indulgence à Renaud Camus, dans la mesure où, à cette époque, il ignorait tout de mon existence. Mais, comme disait le petit bonhomme de Sempé, il y a déjà quelques années : « Je pardonne à ceux qui m'ont offensé… mais j'ai la liste ! » Et puis, il y a aussi que je ne suis pas tant que cela assuré d'avoir l'esprit vif. Quant à la profondeur, il n'y faut évidemment point songer.

Cela dit, à mon côté, au sein de cette profession graphomane et ferroviaire honteusement stigmatisée par le Maître de Plieux, se tient tout de même Philippe Muray…

mardi 19 juin 2012

Donne du Rom à ton home (oui, bon…)


Dans le passage qui suit, daté du 30 mars 1992, l'Eliézer dont il est question est gendarme. (Phrase éminemment stupide : Eliézer ne saurait être gendarme seulement dans le passage qui suit…) Quoi qu'il en soit :

« Pas le temps de faire des phrases, mais : tout semble avoir commencé par l'évocation tout à fait tranquille, dans la bouche d'Eliézer, de l'arrivée des “Manouches” sur une des communes de sa circonscription. Ils viennent tous les ans, à l'occasion d'une fête religieuse. Aussitôt, les gendarmes sont sur les dents, parce que les cambriolages et les vols de toute espèce augmentent de soixante pour cent durant leur séjour. « Tu es sûr de ce que tu dis, ce n'est pas une légende ? » Ma question le fait rire : les statistiques seraient formelles. Il dit aussi que les Manouches ont tous d'énormes et ruineuses voitures, et que si on leur demande leur métier, ils n'ont jamais aucune source sérieuse de revenus à citer : ils répondent tous vaguement qu'ils “travaillent sur les marchés”. Donc, pour lui, aucun doute : presque tous vivent de vols et de recels. Il dit cela sans aucune hostilité particulière, comme on rappelle de simples vérités de l'existence, d'ailleurs très généralement reconnues. Oui, mais…

« Que les Manouches, ou les Gitans, ou les Romanichels, ou les Tziganes (il y aurait sans doute des distinctions à faire), soient pour la plupart ou en très grande proportion, des voleurs, c'est peut-être largement “reconnu” dans la population, mais c'est une affirmation qui a tous les caractères extérieurs du préjugé raciste. A-t-on le droit moral de croire une chose pareille ? Si elle était avérée, aurait-on le droit de la savoir ? »

Renaud Camus, Le Château de Seix, P.O.L, p. 89.

L'auteur pose évidemment les bonnes questions, comme on dit en Journalie. Que doit-on faire d'une information pareille ? La rejeter comme pure élucubration, simple émanation d'un préjugé putride ? Difficile, dans la mesure où la gendarmerie est très scrupuleuse dans la tenue de ses “livres de comptes”… L'inverser mécaniquement, faute de pouvoir la nier tout à fait, comme nous y inviteront avec force et froncement de sourcils les penseurs du vivre-ensemble ? L'inverser, soit affirmer que les “Manouches”, pour reprendre l'appellation eliézérienne, ne sont contraints au vol qu'en raison du racisme ancré et congénital des Français de souche, qui les empêche absolument de trouver du travail, travail auquel ils aspirent tout naturellement, comme tout le monde. Oui, bien sûr, il y a toujours cette échappatoire-là. Mais, outre le fait qu'elle a déjà beaucoup servi, et pour les populations allogènes les plus diverses, elle pourrait finir par exposer ses tenants à la mauvaise humeur des autochtones, qui leur feront remarquer que le chômage frappe aussi largement dans leurs rangs, mais qu'ils ne se sentent pas tenus pour autant de s'affilier à un gang de cambrioleurs ou à une confrérie de voleurs de voitures. Il semble donc que le plus simple est encore, lorsque l'information s'invite dans le débat (je suis un locuteur journalophone hors pair), de ne pas l'entendre, de faire comme si rien n'avait été dit ; ou, à tout le moins, de ne surtout pas la répéter en public – conseil que je m'empresse, on le voit, de ne pas suivre après l'avoir donné. 

Mais c'est que j'ai bien hâte de voir par quels raisonnements byzantins les léons de la blogosphère (j'ai décidé de faire de Léon un nom commun, afin de désigner une race spécifique (aïe !), comme on parle déjà d'un fameux don juan ou d'un vieil harpagon) vont pouvoir innocenter totalement l'accusé et nous expédier, Camus, la gendarmerie nationale et moi, dans les enfers de la nauséabonderie.

dimanche 17 juin 2012

Grâce au ciel, la droite a gagné !


La droite vient de gagner les élections législatives, et la gauche n'en sait rien encore. Que se passe-t-il ? Ceci, que tout le monde sait désormais : le PS a la majorité absolue. Très bien. Cela veut dire qu'on peut désormais se passer de ces abrutis d'écolos et de ces salopards de staliniens du Front de gauche. Il reste quoi ? Le PS. Soit, un parti  au pouvoir qui est pour l'Europe, pour l'immigration libre, pour la fin de ce qu'on a été, nous autres, Européens. Donc, les Français on voté pour ceux qui souhaitent leur propre disparition, c'est-à-dire pour la gauche ou pour la droite, c'est sans importance.

François Hollande est le maître de ce pays : ça fait rire, si on n'a plus que le rire. On attend.

Bref, les socialistes ont réussi à éliminer leurs abrutis d'alliés. Et, à partir de maintenant, ils vont devoir, tout seuls, gouverner la France. On n'a pas fini de se marrer. Jaune.

samedi 16 juin 2012

T'as voulu voir la mer et on a vu la mer…


Nous serons là, ou quelque part par là, jusqu'à dimanche après-midi, afin d'y marier ma sœur.  Mais nous veillerons à être rentrés suffisamment tôt pour pouvoir aller apporter nos deux voix au changement, en la mairie du Plessis-Hébert.

(Mais qu'est-ce que je raconte, moi ?)

vendredi 15 juin 2012

Permanence de l'histoire


« Otto de Habsbourg était en Hongrie, récemment. On lui dit qu'il arrive bien, qu'il y a justement ce soir un grand match Autriche-Hongrie. “ Ah oui ? demande-t-il. Contre qui ? ” »

Renaud Camus, L'Esprit des terrasses – Journal 1990, lundi 23 juillet, p. 287.

jeudi 14 juin 2012

Entre les dents, la soutane, Monsieur le président, entre les dents !


La photographie officielle du prochain président de la République (s'il y a encore une République et, au sein d'elle, un président) ressemblera-t-elle à celle-ci ? Personnellement je le souhaite. Dans la mesure où il semble avéré que, désormais, on puisse devenir le chef de l'État sans pour autant être capable d'empêcher sa moitié de raconter n'importe quoi au moment où ça lui chante, je crois qu'il est temps de prendre des mesures aussi saines que radicales. 

Il est urgent, prioritaire, d'instaurer le célibat obligatoire pour les présidents de République, puisque cette solution a déjà largement fait ses preuves pour les curés, de campagne ou non. Pour ceux qui seraient déjà mariés avant l'élection, on pourrait imaginer une sorte de “suspension matrimoniale” : l'épouse serait mise sous séquestre, par exemple à la Caisse des dépôts et consignations, et le président la récupérerait en quittant l'Élysée. Il va de soi que, durant toute la durée de son ou de ses mandats, un bataillon de putains de la République serait mis à sa disposition, notamment pour qu'il puisse être accompagné lors des buffets dinatoires internationaux et qu'il puisse s'y présenter les joyeuses en repos.

Toute putain de la République qui se mêlerait de donner son avis sur la conduite des affaires publiques serait immédiatement et sans jugement passée par les armes.

mercredi 13 juin 2012

Littérature de fond, vue par un écrivain en bâtiment


Je lis paresseusement, depuis quelques semaines : on le comprendra dans le journal de juin, où je le dis et l'explique plus ou moins. Et je lis Renaud Camus, ce qui ne surprendra personne. Paresseusement ? Oui : j'ai repris le journal de l'auteur en question, de l'origine, et j'ai décidé de ne pas m'arrêter tant qu'il n'aura pas acheté le château de Plieux. Donc, c'est à lui de voir, hein. Je navigue en ce moment dans l'année 1989, Fendre l'air. Et je tombe, en ce volume, sur tel paragraphe où Camus parle de musique, de certains morceaux de musique qui lui remontent de son adolescence et qu'il écoute, récoute, et en fait n'écoute pas réellement, qui lui servent de musique de fond. Il saute, de là, à la littérature, établissant un parallèle fécond et hautement jouissif entre la musique et la littérature de fond

De quoi s'agit-il ? eh bien, si j'ai compris, de la même chose : de ce qu'on lit (relit, re-relit) en pensant à autre chose, en rêvassant, sautant des pages, s'attardant sur ce paragraphe ou sur un autre, parce qu'on est déjà venu vingt fois, trente, cent, dans ces sentiers. Ça ne veut pas dire qu'on comprend mieux, juste que l'on pénètre sous des frondaisons bien connues, familières – mais pas forcément intelligibles –, où l'on sait que l'on reviendra tôt ou tard, encore et encore. 

En dehors du fait que ce “concept” de littérature de fond m'a séduit en lui-même, il se trouve que j'étais justement occupé à le pratiquer vis-à-vis de son auteur : voilà environ deux ou trois semaines que des écrivains m'attendent, sur la table, des grands a priori, des qui ont leur notice dans toutes les encyclopédies. J'ai très envie d'eux, de leurs œuvres, de leurs livres. Il n'empêche que, pour le moment, je les tiens en lisière, parce que Renaud Camus me sert de littérature de fond.

Cette idée de littérature de fond, qui décidément me ravit, je l'avais pourtant parfaitement oubliée, depuis ma première lecture, il y a déjà quelques années. Et c'est ainsi qu'un écrivain devient irremplaçable.

mardi 12 juin 2012

Valérie, Ségolène : le combat des ginettes


Quel bonheur que la ginette Trieweiler qui pète un plomb et qui, stupide comme elle l'est, comme elle se dévoile, comme elle semble l'être, en arriverait à faire passer Ségolène Royal pour une femme normale, voire désirable (non, j'exagère…). Il est évident que François Hollande n'est pour rien dans ce crêpage de chignon pitoyable (encore que, s'il avait été tout simplement marié, rien de cette guignolade ne serait arrivé), il n'empêche que, englué dans ses deux femelles, il se retrouve au centre d'un vaudeville que même Labiche trouverait un peu épais. On nous serine, depuis quelque temps, que les Français sont devenus grands, matures, modernes, etc. Et que, du coup, ils se foutent que leur président soit marié ou pas, que ça ne change rien.

Ben si, ça change quelque chose : ne pas être marié laisse la voie libre à l'hystérie naturelle des bonnes femmes, ces mêmes qui tentent de se faire passer pour moderrno-féministes et qui s'écharpent comme des lingères dans un roman de Zola. Faut-il en rire ? Faut-il pleurer ? Font-elles envie ou bien pitié ? En tout cas, le féminisme en prend un grand coup dans la tronche. Parce que, tout de même, là, en ce moment, à quoi assistons-nous ? À un magnifique crêpage de chignon, à l'ancienne, au spectacle assez piteux de deux femmes qui se prennent aux cheveux pour un homme, et un homme qui représente le pouvoir, la force, donc la fécondité, et finalement l'érection.

Il n'est même plus question d'être de gauche ou de droite : on en est juste à observer le déroulement de cette piteuse pièce, issue d'un très essoufflé Au théâtre ce soir, avec de mauvaises actrices dans les premiers rôles.

La vérité est que la France (au sens ancien) est en train de s'écrouler. La France d'aujourd'hui, et sans doute de demain, c'est François Hollande et ses deux concubines qui cherchent à savoir laquelle des deux est… est quoi ? Elles n'en savent rien, elles se crêpent, et l'homme, le mâle, le Hollande, tente de séparer les deux harpies – et bien entendu il n'y parvient pas, ce gland.

On n'est pas sorti…

lundi 11 juin 2012

Gloire et soutien à M. Falorni !


Ça s'appelle jeter la peau de l'ours avant la cognée, ou quelque chose comme ça.  Considérer comme acquis le fait de devenir présidente de l'Assemblée nationale alors même qu'on n'a pas encore fini de replier son parachute rochelais, c'est bien dans les manières méprisantes de la dame ; aussi sa façon, dès hier soir, de dire en substance à Olivier Falorni : « Dégage de mon tremplin à perchoir, minus ! » Depuis, la volaille s'affole, jusqu'à appeler solennellement à ne pas mélanger les voix de gauche et celles de droite. Tiens donc ! L'a-t-elle produite, sa petite moue pincée de Folcoche en tailleur, naguère, lorsqu'il s'est agi de ramasser celles du Front national au profit de son ex-concubin ? Pas que l'on sache, non.

Et l'Aubry, donc ! qui tonne et vitupère devant tous les micros offerts à Sa Grande Furibonderie, qui voue Olivier Falorni aux gémonies (pendant que sa chère camarade Ségolène, elle, tente de se vouer aux hégémonies), lui donne des ordres, l'enjoint de ceci, le met en garde contre cela… Le problème (pardon : le souci) est qu'elle l'a préalablement viré du parti dont elle a la garde, et que, donc, on ne voit guère pourquoi le soldat Falorni irait à Canossa au son des fifres et des tambourins. 

Je ne suis pas électeur à La Rochelle et fugitivement le déplore. Mais j'espère que tout ce que cette circonscription compte d'électeurs de droite ou d'extrême icelle aura à cœur, dimanche, d'aller voter pour celui qui, à l'heure actuelle et pour plusieurs jours encore, doit subir les plus écrasantes pressions de la part de ses anciens camarades. À ce propos, et pour que la farce soit totale, je trouverais bel et bon que Mme Le Pen lance un solennel appel en sa faveur. Après tout, n'a-t-elle pas affirmé, deux ou trois jours avant le premier tour, qu'elle n'excluait pas d'appeler ses partisans à voter pour tel ou tel candidat de gauche ? Ce serait le moment.

dimanche 10 juin 2012

Disons que tout est compliqué, ce sera plus simple


De même que le souci a définitivement vaincu le problème, le compliqué semble désormais avoir à cœur de nous fabriquer un monde plus simple. Il y a deux ou trois soirs, faute de films regardables sur les autres chaînes, je me suis retrouvé à écouter d'un tympan désinvolte Yves Calvi et ses quatre invités de C dans l'air ratiociner sur les élections législatives. Il y a avait là le quasi inamovible Pascal Perrineau, le presque aussi omniprésent Dominique Reynié, et deux autres dont l'histoire ni moi n'avons retenu les noms. En une heure, chacun de ces personnages a prononcé une bonne douzaine de fois l'adjectif compliqué. Moi qui pensais vivre dans un monde complexe, où certaines négociations étaient parfois délicates à mener, et des situations plutôt confuses, ou des raisonnements alambiqués, et même tels paris intenables, je me suis aperçu que j'avais tort et me perdais en de vaines distinctions byzantines : tout cela était juste compliqué ; il n'y avait plus à se mettre martel en tête : on allait vous alléger les dictionnaires. En fait, il ne me fallut pas trop de temps, cette constatation faite, pour comprendre que, dans l'esprit de ces oracles télévisuels, compliqué voulait avant tout dire impossible, mais un impossible dont on ne se ressent pas trop d'assumer franchement l'annonce ; un impossible de biais ; un impossible chuchoté et dont on espère sans trop y croire que caméras et micros ne l'auront pas clairement enregistré, des fois que le réel viendrait ensuite vous contredire. La télévision, la parole publique, la divination vespérale : tout cela est décidément bien compliqué.

samedi 9 juin 2012

Trabaille, Camille, Patry


C'est fou comme, certains soirs, l'abstention paraît finalement assez désirable…

Comme quoi, si la diversité c'est le mal, la consanguinité n'est pas non plus une solution.




(Merci à Tonnégrande et à Nicolas…)

jeudi 7 juin 2012

Si on vous dit que les socialistes travaillent du bulbe, prenez-le au pied de la lettre


Je suis gagné d'avoir content ou le désarroi du blogueur de fond

On les a connus plus pêchus, personne ne me contredira, je pense. Depuis un certain 6 mai, nos camarades blogueurs de gauche sont à la peine – et c'est pour camoufler cette peine, sans doute, qu'ils arborent, tous ou presque, ce masque de félicité niaise, d'exaltation surjouée, de mécanique enthousiasme qui, personnellement, commence à me concasser peu ou prou les joyeuses. Oh, je sais, on va dire que je grince des dents parce que je suis mauvais perdant. Même pas vrai : je suis peut-être mauvais mais je ne me sens nullement perdant. Il y a simplement que lire ad nauseam depuis un mois des pages et des pages de dithyrambes hollandiens, résolument sans objet mais d'une dégoulinante latrie, voilà qui exténuerait les plus endurcis. Mais au fond, de l'ironie ou de la commisération envers ces pauvres blogueurs privés du tuteur qui les maintenait en état d'excitation haineuse depuis cinq ans, c'est plutôt la seconde qui l'emporte : on s'attriste de les voir s'exercer maladroitement à l'encensement de front lauré, on s'impatiente à voir se dérouler la mue difficile et un peu risible qui, de l'enveloppe sèche d'un contempteur mort, cherche à faire naître un thuriféraire en état de marche.

« Je suis content ! Je suis content ! », répètent-ils à s'en saouler : on dirait de ces fiancées froides qui trahissent qu'elles le sont en théâtralisant un peu trop leurs orgasmes factices.

mardi 5 juin 2012

Le jargon qui tue (et rassasie aussi)


Les gens qui baragouinent au lieu de s'exprimer, ceux qui ont passé la fin de semaine sur Nantes, qui ont eu un souci de circulation en rentrant, lequel heureusement n'a pas du tout impacté leur soirée télé, tous ceux-là vous répètent à l'envi, si l'on se risque à une remarque timide, que la syntaxe on s'en fout, que l'important c'est de se faire comprendre. Et puis, hein, les règles, l'orthographe, tout ça, c'est vachement clivant, si t'y réfléchis.

Ils ont tort, et la preuve en est faite depuis quelques jours : leur jargon est dangereux, il peut même tuer. Tout le monde s'accordera à reconnaître que : « Chère amie, que dirirez-vous d'aller dîner dans un restaurant chinois ? » est une phrase beaucoup trop longue, limite chichiteuse, et qu'on a bien raison de lui préférer le rapide et moderne : « On mange chinois, c'soir ? ». De fait, les rues, les cafés, les autobus sont désormais tout bruissants de ce petit mantra culinaire : On mange chinois ? Tiens, hier, on a mangé chinois, c'était super ! Ça te dirait qu'on se fasse un chinois ?

L'expression s'est tellement répandue, et si vite, qu'elle a fini par franchir l'Atlantique, remonter le Saint-Laurent, arriver à Montréal, pour finalement pénétrer dans le conduit auditif de Luka Rocco Magnotta avant de remonter jusqu'à son esprit un peu faiblard et son entendement minimal.

Et c'est alors que, comme on l'y invitait si expressément, Luka Rocco Magnotta, valeureux preneur de jargon au pied de la lettre, a en effet mangé chinois.

dimanche 3 juin 2012

Les rêveries et les tombeaux, avec deux comprimés de nautamine

Relisant L'Élégie de Chamalières de Renaud Camus, j'y suis tombé sur un passage (p. 68 & 69) qui, me semble-t-il, entre assez bien en résonance avec mon billet d'hier, à propos de la mort et des différents modes d'entrée en elle. Le voici :

« Il n'y a plus guère que les étrangers pour être de quelque part, aujourd'hui. Encore ont-ils tôt fait, à peine commencent-ils à se fondre parmi les gens du pays, d'être de nulle part comme tout un chacun. Ils habitent ces banlieues du monde, qui ne sont plus que l'ailleurs de rien, ivres seulement d'être semblables à toutes les autres. De longue date, naître n'a plus de maison, seulement des hôpitaux. Les enfants, bientôt, ne connaîtront plus le prénom de leur grand-père ni l'âge de leurs parents, qui leur paraîtra se fondre dans un flasque néant d'avant la réalité, c'est-à-dire d'avant leurs premiers souvenirs. Ils ne seront sûrs que de leur station sur le réseau régional, du nom de fleur, de martyr de la Résistance ou de poète chilien de leur “résidence”, du numéro de leur bloc et de la lettre de leur escalier. Ils ne sauront comment appeler les morts, qui donc ne leur parleront plus. Ils seront obligés de se créer leurs propres morts, qui donc ne seront plus des ancêtres, mais des frères, des amants désemparés, toujours plus proches, toujours moins clairs (pour toute énigme du sort, un simple borborygme) ; et qui n'auront eux-mêmes à leur disposition, pour vivre leur vie de morts, que les entrailles des vivants, leur sang pâle, leurs membres noués, leur pauvre mémoire en friche, ignare et cependant versatile : car il n'existera plus de terre que nous puissions dire terre des morts ; plus d'espace entre les chemins, plus de campagne entre les villes, plus de mystère entre les êtres, plus d'arbitraire entre les mots, plus de nuit, plus d'injustice, plus de liberté, plus de vide.

« Chassée de partout, la mort, se diluant, se répandra sous de neufs incognitos dans toutes les conversations, les sottises, les négligences, les fiertés de la barbarie, les niaiseries du naturel et les vaniteuses brutalités de la franchise. Ses sicaires ne seront plus des héros, des assassins, des acteurs de l'histoire, des poètes, des conventions, des architectes ; mais des journalistes, des consommateurs, des histrions, des usagers, des publicistes, des promoteurs : la convention même, en somme, celle qui n'écrit pas ses pactes, et vous parle du fond du cœur. »

Et ceci encore, immédiatement après, page 70 de l'édition P.O.L, à propos de ces jeunes gens issus de la culture hors-sol :

« Que Jeanne d'Arc en personne ait brisé le vase de Soissons, le jour du couronnement de Charles X à Saint-Denis, dans les baroques éclats du Te Deum de Fauré, rien là qui puisse les étonner. Sur l'océan des âges ces noms, ces lieux, ces œuvres, ces objets, s'ils surnagent vaguement sous leurs yeux, voguent désormais sans attache.  C'est pour eux comme si La Tour d'Auvergne n'était jamais revenu de ses études celtiques pour servir la République en simple grenadier, et le four à pain de ton père, pauvre Drouot, n'éclaire ni ne réchauffe plus que toi. Par pans entiers s'effondre le savoir ancien ; mais il semble que je sois spécialement chargé, pour ma part, de la déploration funèbre des connaissances les plus vaines, les moins immédiatement utiles, les plus menacées, donc, celles qui ne servaient que de liant, d'accointance entre les hommes et les siècles, les promenades et les livres, les rêveries et les tombeaux. »

Et pour finir il me plaît que ce petit livre admirable ait été écrit tout entier à l'hôtel Radio de Chamalières, là même où, voilà quelques années, Catherine et moi avions l'habitude de faire escale lorsque nous mettions cap au sud. Me plaît encore qu'il y soit beaucoup question de ces La Tour d'Auvergne, devenus ducs de Bouillon, ou princes de Sedan, et qu'on y évoque cette rivière au nom changeant : Semoy pour les Ardennais de France et Semois pour ceux de Belgique. Ceux de chez moi prononçaient le mot S'moy. Et, de même, il me fallut un temps assez long, dans mon enfance, pour admettre que le village de Vilés'meuse, qui je ne sais trop pourquoi revenait régulièrement dans la conversation de mes grands-parents, ne faisait qu'un avec celui de Villers-Semeuse que je pouvais lire sur les panneaux routiers, lorsque nous arrivions ou repartions en voiture, moi bourré de nautamine pour éviter que je ne maculasse les sièges des reliefs de mon dernier repas.

samedi 2 juin 2012

… Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse


Parce qu'on me posait directement la question, en commentaire, chez Nicolas, je viens de m'intéresser d'un peu près à cette pratique – que personnellement je réprouve pour des raisons que chacun devinera sans encombre, La Terre et les Morts, tout ça… – qui s'étend déraisonnablement de nos jours, sous nos latitudes, et qui consiste à brûler les corps des gens morts au lieu de les inhumer. L'un des commentateurs protestait contre le verbe incinérer et prétendait que seul crématiser était recevable : il avait raison et tort tout ensemble ; raison de protester car le premier verbe est trop employé lorsqu'il s'agit du traitement terminal des ordures ménagères pour pouvoir également servir à celui des défunts ; et tort car le second verbe, crématiser, n'existe pas. C'est-à-dire qu'il n'existe pas encore, mais on peut supposer que, la pratique qu'il désigne allant se démocratisant, il devrait rapidement quitter son statut de néologisme pour faire son entrée en gloire dans les dictionnaires les plus gourmés.

Je signalais par ailleurs chez Nicolas (parce que je venais de l'apprendre à l'instant sur Wikipedia…) que le verbe crémer existait lui bel et bien, qu'il remontait même à ce XIIe siècle qui fut sans doute l'apogée de la civilisation chrétienne – mais c'est une autre affaire. Crémer est sorti du verbe latin cremare ; le problème est qu'il n'en vient pas en droite ligne, puisque, passant par le provençal cramar, il a pour frère presque jumeau l'argotique cramer ; ce qui rend son emploi encore plus délicat que celui d'incinérer.

Si nous avions besoin d'encouragements et d'incitations, voilà une difficulté qui viendrait fort à point en faveur de cette bonne vieille inhumation (du latin in humus, dans le sol).

D'autre part, cette discussion résonne étrangement aujourd'hui, dans la mesure où, hier soir, j'ai appris la mort de La Pecnaude, cette blogueuse “ruminante” qui, longtemps, sur ce blog-ci ou ailleurs, fut de loin ma meilleure et plus fidèle ennemie. J'espère qu'elle aura droit à un véritable enterrement, dans les formes et règles.