mercredi 17 septembre 2014

On n'a pas démocratisé l'enseignement, on l'a facilité


En 1960, déjà, il se trouvait des gens pour dauber sur la baisse de niveau des étudiants de France, préoccupante – les optimistes – voire catastrophique – les visionnaires. Il y a deux manières de réagir, face à cette permanence dans le cassandrisme : « Vous voyez bien que c'est faux, puisqu'on le disait déjà il y a un demi-siècle ! » (les progressistes) et :  « Vous voyez bien que c'est vrai, puisqu'on le disait déjà il y a un demi-siècle ! » (les esprits simples). Une fois cela posé, il n'est pas interdire d'y réfléchir un peu plus avant ; et c'est ce que fait Jean-François Revel dans sa Cabale des dévots, parue en 1962. À la page 488 de l'édition proposée par la collection Bouquins, alors qu'il vient de parler du baccalauréat, il note (c'est lui qui souligne) :

« Cette baisse de niveau n'est nullement la rançon d'une démocratisation. Je dirais même que, s'il y avait eu démocratisation, le niveau du secondaire aurait monté. Car la démocratisation, en puisant dans la totalité du réservoir humain national, déterminerait une sélection plus rigoureuse, ferait émerger, à la fois en chiffres absolus et en chiffres relatifs, un plus grand nombre d'élèves brillants et donc améliorerait la qualité des études. La prétendue incompatibilité du littéraire et du scientifique n'existe, à cet âge des débutants, que dans la médiocrité. Et, au cours des récentes années, on n'a pas démocratisé l'enseignement, on l'a facilité. On ne l'a pas ouvert aux fils les plus doués du prolétariat, on l'a abaissé au niveau des rejetons les plus nuls de la bourgeoisie. »

En d'autres termes, si j'ai bien compris ce qu'on vient de lire, et pour revenir à la situation actuelle, permettre aux enfants d'immigrés, ou de Français quart-mondisés pour diverses raisons, l'accès à de bonnes études secondaires et supérieures serait non seulement souhaitable pour eux mais profitable à la France, à condition, au préalable, de rétablir un haut niveau d'exigence et une sélection sans faille, dans l'intérêt même des “nouveaux admis” ; simplement parce qu'il y a une très grande différence entre aider une personne à se hisser, par son travail et son mérite, jusqu'au sommet auquel elle peut prétendre, et pousser tout un troupeau indifférencié vers la pâture promise, où de toute façon l'herbe a cessé de pousser depuis des lustres.

Revel conclut ainsi son paragraphe suivant : « La “modernisation” a surtout consisté en une suppression. Combien de “spécialistes” sont spécialistes de quelque chose dans la seule mesure où ils ignorent, en effet, tout le reste… »

25 commentaires:

  1. Remarquable.

    (Je suis embêté : trouvé-je cela évident parce que ça me caresse dans le sens du poil, ou bien suis-je séduit parce que ça me semble rigoureusement vrai ? Vous vous en foutez, hein ? Oui, je suis malheureux du destin de l'école.)

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  2. Tout à fait d'accord avec cette analyse. Je commençais dans le secondaire en 1962. J'y ai rencontré de parfaits ignares en tout domaine même si à l'époque seule une minorité y avait accès. Quand la massification s'accompagne d'une "facilitation" (au sens où l'entend Revel) à outrance, on obtient les catastrophes d'aujourd'hui...

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  3. " On ne l'a pas ouvert aux fils les plus doués du prolétariat, on l'a abaissé au niveau des rejetons les plus nuls de la bourgeoisie " : virons les enfants de bourgeois de l'enseignement, et le niveau remontera !

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    1. La question ne se pose déjà plus, puisque les fils de "bourgeois" sont désormais aussi déculturés, décivilisés que ceux des prolétaires.

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  4. à condition, au préalable, de rétablir un haut niveau d'exigence et une sélection sans faille, dans l'intérêt même des “nouveaux admis”.

    C'est une évidence. Qu'on soit obligé de le répéter sans cesse, sans pour autant trouver en haut lieu la moindre oreille bienveillante, ne cessera jamais de m'étonner. Il fut un temps où les fils d'italiens, d'espagnols, de polonais, etc., étaient confrontés à cela et pas mal ont plutôt réussi. La facilité n'a jamais suscité d'émulation, juste de la paresse et du désintérêt. Et puis pourquoi se casser la tête à essayer de décrocher un diplôme que presque tous auront à la fin du secondaire ? Avant, le bachot était désiré car seuls 25% d'une classe d'âge y accédaient, le reste était dirigé vers de vrais métiers où l'on gagnait fort bien sa vie au demeurant. De manière assez amusante, le travail manuel est devenu méprisable dès que la gauche bourgeoise s'est emparée de certains domaines comme la culture, l'éducation, la presse.

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    1. Je sais bien que c'est une évidence ; ou plutôt que cela devrait l'être. Mais que voulez-vous…

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  5. Pourquoi voulez vous pousser tous le monde vers l’élite? Ce n'est pas le but de notre système éducatif: il n'est pas utile d'avoir bac+n pour être éboueur ou travailler sur une chaîne comme on n'avait pas besoin du bac pour être garçon de ferme il y a 100 ans. Le "système" produit ce qui lui est nécessaire et tant pis s'il ne produit pas plus de gens plus intelligents, il n'en a pas besoin.

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    1. Mais est-ce le but de ce qui se nommait autrefois l'Instruction publique, que de fournir un métier aux jeunes gens ? Et selon quels critères, si on les a coupés dès la prime adolescence de tout accès à cette instruction, sous prétexte qu'ils n'en auraient pas besoin pour exercer leur profession ? À ce compte-là, pourquoi se donner la peine de faire découvrir la littérature, la philosophie, la musique, etc. à des futurs médecins ou ingénieurs ? Eux non plus n'en auront pas besoin

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    2. Peut-être pas de fournir un métier mais au moins donner les bases qui donneront accès au métier (plus ou moins) désiré. Tous le monde n'a pas des capacités d'apprentissage illimitées et ne peut devenir savant dans tous les domaines, pourtant il faut bien que chacun puisse trouver sa place dans la société. La littérature, la philosophie, la musique sont probablement enseignées pour que chacun puisse se faire une idée de ce qu'il veut faire.

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  6. C'était mieux avant...et si vous aviez connu le moyen-âge alors...

    Anne-Laure

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    1. Dites, Anne-Laure, vous êtes vraiment conne, ou faites semblant ?

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  7. Égalitarisme, nivellement par le bas... Socialisme d'Etat... CQFD

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  8. Assez d'accord avec Anne-Laure : c'était mieux au Moyen Âge.

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    1. Moi aussi. Surtout entre le milieu du XIIe et la fin du XIIIe siècle.

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  9. Pour les filles, le Moyen Âge... Moyen moyen. Sinon, moi qui fréquente ça et là des enfants de milieux différents, je suis bien d'accord avec ce billet. On s'en fout ? tant pis.

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    1. Les femmes du Moyen Âge étaient plus libres que leurs descendantes sous le Premier Empire… et que dans n'importe quel pays musulman aujourd'hui.

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  10. Comme d'habitude, on ne sait pas de quel rôle du système éducatif on parle : sélectionner une élite, préparer chacun à un métier en fonction de ses capacités , ouvrir l'esprit de chacun pour favoriser son épanouissement personnel...

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    1. C'est pourtant simple : instruire !!!

      Le reste c'est de la propagande et du bourrage de crâne.

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  11. Ah, il parlait des musulmans, Revel!

    Anne-Laure

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  12. Mon Dieu ! Que vous êtes prévisibles, vous autres réacs !
    Rien que vous écriviez qui ne soit rabâché des centaines de fois.

    Les réacs aiment répéter leurs lieux commun à satiété : "tout était bien mieux avant !" comme disait mon arrière grand-père qui ne savait ni lire ni écrire mais qui pensait que monsieur le curé était la référence suprême...

    Ainsi va le monde : il se trouvera toujours un vieux con pour trouver les jeunes d'aujourd'hui loin du niveau d'antan.
    J'ai lu récemment les sujets des bacs des années 1930. Et j'ai ri, j'ai ri, j'ai ri !

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    1. Mon Dieu ! Que vous êtes prévisibles, vous autres degôches.
      Rien que vous écriviez qui ne soit rabâché des centaines de fois.

      Les degôches aiment répéter leurs lieux commun à satiété : "tout est bien mieux maintenant !" comme disait mon arrière grand-père qui savait lire et écrire et qui n'en avait rien à foutre de monsieur le curé...

      Ainsi va le monde : il se trouvera toujours un jeune trous du cul pour trouver les jeunes d'aujourd'hui au même niveau que d'antan.

      J'ai lu récemment les sujets des bacs des années 2010. Et j'ai ri, j'ai ri, j'ai ri !

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    2. "comme disait ma grand mère qui ne savait ni lire ni écrire mais qui pensait que monsieur le curé était la référence supreme" Comme si le fait de savoir lire et écrire était un brevet de morale et de bonne moeurs Comme si le monde n'avait besoin que de fins lettrés pour fonctionner correctement Le charpentier indien qui bosse 12 heures par jour aux émirats vaut au moins 100 racailles de banlieues qui savent pour la plupart lire et écrire le français correctement ou encore 50 profs grévistes Et si de nos jours, le curé n'est plus généralement la référence supreme, c'est qu'on l'a remplacé par le sportif, la star de cinéma ou de la chanson ou encore le psy, le médecin, l'universitaire, l'expert médiatique ou le gourou

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  13. "les réacs aiment répeter a satieté tout était mieux avant" On ne dit pas que tout était mieux avant juste que tout sera pire après Pour ma part, je n'ai pas vraiment envie d'échanger ma vie actuelle contre celle de travailleur a l'usine ou d'opposant politique dans la france d'après guerre J'ai vu suffisamment d'images de travailleuses chinoises et de manifestants brésiliens durement mollestés pour avoir envie d'échanger ma place contre celle de mes grands-parents (surtout vu ce qu'ils ont eu a subir en temps qu'immigrés russes, mais je ne suis pas gauchiste et je sais que si tout leur avait été donné dès le départ, jamais mon père et moi aurions été assimilés français) Je n'envie pas vraiment ceux qui ont connu la révolution françaises, les guerres de religion, la seconde guerre mondiale, la guerre froide, etc, je dis juste que les gens de cette époque avaient généralement bien plus de culture, d'éducation, de tenue et de bonne manières que ceux d'aujourd'hui Mais bien sur, ce n'est qu'une moyenne, il existe encore de nos jours beaucoup de personnes meme pauvres bien elevées et beaucoup de gens de l'époque pouvaient etre des rustres mais niveau abrutissement, perversion et excès en tout genre, notre époque bat toutes les précedentes d'un tete qui n'est pas courte Le progrès perverti l'esprit humain puisque tout est desormais a portée de nos mains sans que nous ayons besoin de faire des efforts importants en contrepartie (argent, nourriture,sexe...) Donc si notre époque n'a pas inventé la connerie, la fainéantise et la perversité, ne lui mettons pas tout sur le dos, elle fabrique désormais tout cela comme tout le reste, en quantité industrielle

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